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CRITIQUES DE CONCERTS 21 décembre 2024

Nouvelle production de Così fan tutte de Mozart dans une mise en scène d’Anne Teresa De Keersmaeker et sous la direction de Philippe Jordan à l’Opéra national de Paris.

Così à rebrousse-poil
© Anne Van Aerschot

Absence de direction d’acteurs, chorégraphie ridicule, décor inadéquat, le nouveau Così fan tutte de l’Opéra de Paris vu par Anne Teresa de Keersmaeker est une accumulation d’erreurs, de lourdeurs et de prétentions naïves que tente vainement de sauver une distribution qui fait le job sans éclat particulier. Seuls la direction de Philippe Jordan et l’Orchestre de l’Opéra rendent justice à l’œuvre.
 

Palais Garnier, Paris
Le 26/01/2017
GĂ©rard MANNONI
 



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  • Mais qu’est-ce qu’Anne Teresa de Keersmaeker vient faire dans cette galère ? Se savait-elle supposĂ©e mettre en scène un quasi huis-clos libertin et amoureux Ă  six personnages, aussi pĂ©tillant qu’un bon vin de champagne et non mousseux comme quelque Ă©paisse bière nordique ? Elle a rĂ©alisĂ© une vraie comĂ©die des erreurs, passant Ă  cĂ´tĂ© de tout, sans rater la moindre occasion de trahir musique, livret, essence mĂŞme de cet Ă©trange chef-d’œuvre si symbolique de toute une culture et de toute une Ă©poque.

    D’abord, il y a le décor de Jan Versweyveld, ou plutôt son absence. Peinte en blanc, totalement ouverte jusqu’au mur du fond, éclairée pleins feux, décorée de hautes plaques transparentes à cour et à jardin, la scène de Garnier ainsi défigurée est aussi chaleureuse et apte à abriter une intrigue amoureuse qu’un bloc opératoire. C’est vrai, vers la fin, les lumières changent de couleur, ce qui n’arrive jamais à l’hôpital. Les costumes d’An D’Huys, d’un peu toutes les époques sauf la bonne, sont fades, sans intérêt et plutôt laids.

    Tout cela n’est rien comparé à l’indigence des prétendues mise en scène et chorégraphie de la célèbre créatrice flamande à qui l’on doit pourtant nombre de beaux ballets. Mais s’attaquer à un opéra comme celui-ci, ce n’est pas le même métier. Il n’y a absolument aucune direction d’acteurs, pas un soupçon de travail sur les personnages permettant de différencier le caractère des deux sœurs pourtant indiqué dans la musique, pas non plus d’imagination pour caractériser les deux benêts de garçons.

    Don Alfonso (Paulo Szot) a l’air de vouloir dévorer tout le monde et Despina (Ginger Costa-Jackson), avec force œillades et déhanchements, se prend à l’évidence déjà pour la Carmen qu’elle doit interpréter bientôt en Amérique et non pour une impertinente et piquante soubrette. Les personnages viennent systématiquement chanter airs et ensembles face à la rampe et au chef, comme au concert, à une ou deux exceptions près, quand Anne Teresa de Keersmaeker a jugé astucieux de leur faire effectuer un marathon circulaire au pas de course autour du plateau.

    Mais le pire n’est pas encore là. Il est dans ce qui est censé être une chorégraphie dansée par des doubles des chanteurs pour exprimer ce que ni le texte, ni le chant, ni la musique ne suffisent, semble-t-il à Madame de Keersmaeker, à rendre clair dans leurs rapports. Et là, nous voyons une série de galipettes caricaturales, sans consistance, qui ne racontent rien, n’expriment rien, gênent les chanteurs, et n’ont sans doute pour unique fonction que d’occuper un peu ce vaste espace dénudé.

    Ce n’est pas de la danse, ni du mime, ni du mimodrame. Ce n’est rien du tout. Des danseurs de l’Opéra étaient à l’origine prévus. Mais Keersmaeker finit par préférer les siens. Les nôtres l’ont échappé belle ! Alors, ainsi dépecé, explosé et éparpillé dans tous les sens, ce très fin jeu du désamour orchestré par la malice d’un vieux libertin perd toute sa densité, sa saveur, son originalité. Il y a tout le temps trop de monde et trop d’agitation inutile par des comparses, alors qu’il ne se passe rien de marquant ni d’éventuellement nouveau chez les principaux protagonistes. Quelle tristesse !

    La distribution est honorable, dominée par la Fiordiligi de Jacquelyn Wagner, l’une de ces belles grandes blondes formatées en Allemagne pour chanter la Comtesse, Pamina, Eva, Elsa, voire Arabella. Jolie voix, bon physique, mais rien en commun avec les grandes mozartiennes entendues il n’y a pas si longtemps sur ce même plateau. Les autres font professionnellement ce qu’il y a à faire, avec une mention spéciale pour le beau timbre et le beau phrasé du ténor Frédéric Antoun et le dynamisme du baryton Philippe Sly, qui se donne un mal fou pour faire exister Guglielmo dans ce méli-mélo scénique.

    Alors, avec la belle qualité des chœurs, reste la très exacte, subtile et intelligente direction musicale de Philippe Jordan qui, comme toujours, obtient des merveilles de l’Orchestre de l’Opéra en parfaite forme. D’ailleurs, son élégante et efficace gestique reste la seule vraie chorégraphie du spectacle.




    Palais Garnier, Paris
    Le 26/01/2017
    GĂ©rard MANNONI

    Nouvelle production de Così fan tutte de Mozart dans une mise en scène d’Anne Teresa De Keersmaeker et sous la direction de Philippe Jordan à l’Opéra national de Paris.
    Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791)
    Così fan tutte, dramma giocoso en deux actes (1790)
    Livret de Lorenzo Da Ponte

    Chœurs et Orchestre de l’Opéra national de Paris
    direction : Philippe Jordan
    mise en scène & chorégraphie : Anne Teresa de Keersmaeker
    décors & éclairages : Jan Versweyveld
    costumes : An D’Huys
    préparation des chœurs : Alessandro Di Stefano

    Avec :
    Jocelyne Wagner (Fiordiligi), Michèle Losier (Dorabella), Frédéric Antoun (Ferrando), Philippe Sly (Guglielmo), Paulo Szot (Don Alfonso), Ginger Costa-Jackson (Despina).

     


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