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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production de la Juive d'Halévy, dans une mise en scène de Peter Konwitschny et sous la direction de Jacques Lacombe à l'Opéra national du Rhin.
Opéra grand format
Après l'Opéra des Flandres en 2015, la Juive de Jacques-Fromental Halévy débarque à l’Opéra national du Rhin dans une mise en scène de Peter Konwitschny (ici réglée par son assistant) bien rompue aux règles du Regietheater. On relève la qualité du plateau vocal, bien secondé par un Orchestre symphonique de Mulhouse sous la direction de Jacques Lacombe.
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Difficile d'imaginer aujourd'hui ce qu'a pu être le succès d’un opéra créé en 1835 et dans les premières places du box-office jusqu'à la Seconde Guerre mondiale. Bien avant l'invention du CinemaScope et de la Panavision, le public se pressait dans les salles pour admirer ce modèle du grand opéra français et suivre les péripéties du livret de Scribe, bien fidèle à une thématique en vogue depuis Balzac ou Eugene Sue. L'ouvrage revient à la mode sur les scènes d'opéra, comme en témoignent les dernières productions signées Calixto Bieito à Munich ou Olivier Py à Lyon, toutes deux attachées à souligner l'écho du livret avec notre monde contemporain.
Loin de porter un regard explicitement politique sur les tensions communautaires entre Chrétiens et Juifs, Peter Konwitschny exploite l'œuvre d'une manière relativement classique au regard des habitudes du Regietheater dont il est l'un des principaux représentants. Le décor de de Johannes Leiacker est quasi fixe, dominé par une immense rosace multicolore et des murs de néons dont l'intensité varie jusqu'à devenir aveuglante dans la scène finale du bûcher.
Une table ou des escaliers mobiles permettent des déplacements et des changements d'espace très simples. Simplicité également du côté du symbolique, avec des gants de caoutchouc bicolores (bleu et jaune) pour signifier l'appartenance à telle ou telle communauté. Cette allusion discrète à la stigmatisation religieuse (impossible de ne pas penser à l'étoile jaune) permet à l'occasion de jouer sur un accessoire à la fois hygiénique et jetable. Lorsque Eudoxie et Rachel décident de faire cause commune, elles se lavent littéralement les mains et abandonnent au fond de la bassine ce qui les sépare socialement et culturellement.
Les puristes regretteront la coupure qui fait disparaître le premier air d'Eléazar dans lequel il explicite ses rapports avec sa fille adoptive Rachel. On y gagne une entrée en matière recentrée sur le conflit entre les deux communautés religieuses et une place accentuée pour le rôle central. Les invectives du chœur à l'adresse d'Eléazar, puis de Rachel, sont d'une grande force théâtrale, le metteur en scène exigeant que l'air ne soit pas interrompu et que les travées d'orchestre soient une extension de la scène.
Le plateau vocal reste dominé par la performance de Rachel Harnisch qui double la mise après la réussite de l'Opéra de Lyon la saison dernière. La ligne de chant est effilée, aérienne et subtile, avec une diction parfaite et une présence de tous les instants. Sa rivale la Princesse Eudoxie bénéficie des aigus surpuissants mais pas toujours dosés d'Ana-Camelia Stefanescu. Mieux en place en seconde partie, la soprano roumaine parvient à déjouer les nombreux pièges de la partition.
Débarqué de Venise dès les premières représentations, le ténor américain Roy Cornelius Smith remplace au pied levé Roberto Saccà annoncé souffrant. Parfaitement en phase avec le rôle, il campe avec décontraction un Eléazar très incarné, avec une aisance remarquable dans les changements de registres. Limitant les prises d'air au minimum, son Rachel quand du Seigneur reste l’un des plus beaux moments de la soirée. Très sollicités pour des rôles dits secondaires, le Léopold de Robert McPherson et le Ruggiero de Nicolas Cavallier se partagent les lauriers, tandis que Jérôme Varnier offre la puissance d'airain de sa voix de basse au Cardinal Brogni.
L'Orchestre symphonique de Mulhouse réalise une belle performance, grâce à la direction très enlevée de Jacques Lacombe qui sait aller chercher dans les interventions des cuivres et de la petite harmonie des relances nécessaires pour animer une écriture harmonique qui peine à soutenir la distance.
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