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CRITIQUES DE CONCERTS |
31 octobre 2024 |
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Passion selon saint Matthieu de Bach sous la direction de René Jacobs à la Philharmonie de Paris.
Passion de caractère
C'est désormais de tradition, les salles parisiennes mettent à l'affiche de ce week-end pascal les Passions de Bach. Après la Saint Matthieu version Philippe Herreweghe au Théâtre des Champs-Élysées, voici la version René Jacobs à la Philharmonie de Paris. Si l'acoustique du lieu semble peu propice aux voix, l'ensemble présente quelques belles surprises.
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La première surprise de cette Passion selon saint Matthieu, c'est ce rapport contrarié entre les forces vocales et le rendu acoustique légèrement en retrait ; comme si une partie de la projection se perdait dans le vaste vaisseau de la Philharmonie sans que l'on puisse en imputer la responsabilité à l'excellent RIAS Kammerchor.
Disposé légèrement de biais, René Jacobs dirige un double chœur et des solistes placés à l'avant d'un dispositif orchestral somme toute modeste. Le chœur d'ouverture n'a pas la précision consonantique qui lui donne son poids et son assise – tendance récurrente dans une interprétation qui tout du long, privilégie la couleur d'ensemble au détriment d'une lecture épousant le relief syllabique du livret, comme chez Gardiner par exemple.
L'Évangéliste véhément de Julian Prégardien prend le risque de se brûler les ailes dans certains changements de registres, mais assure une présence et un lyrisme de premier plan. La voix gagne en contraste et en densité à l'approche du jugement et de la crucifixion. Le Christ de Johannes Weisser chante sous surveillance, parfois pris en défaut, la faute à un haut-médium qui se dérobe quand la tension se fait trop forte.
L'excellence de l'alto Benno Schachtner fait merveille dans les passages narratifs et l'émouvant Erbarme dich, mené à un train d'enfer par René Jacobs. On peut regretter le chant sur les pointes de la soprano Sunhae Him, limitant ses interventions à une lecture à vue là où le texte exige davantage d'engagement et de moyens expressifs.
Ce bémol peut être adressé à la seconde soprano Anja Petersen, moins pour des raisons liées au timbre que par pure indolence et désintérêt pour la question de lire et chanter le récit. Les courtes interventions de Kristina Hammerström donnent pourtant une impulsion et un relief étonnants – là où la direction de René Jacobs semble retenir dans une suspension hésitant entre maniérisme et expression appuyée.
L'Akademie für Alte Musik Berlin possède tous les avantages d'une formation dédiée. Les attaques sont d'une précision remarquable, les timbres se conjuguent à merveille… mais l'ensemble manque décidément de corps et de chair, à l'image du continuo arachnéen et étiolé, entre théorbe pointilliste et orgue suret.
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Philharmonie, Paris Le 14/04/2017 David VERDIER |
| Passion selon saint Matthieu de Bach sous la direction de René Jacobs à la Philharmonie de Paris. | Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Matthäus-Passion
Sunhae Im, soprano
Kristina Hammarström, alto
Benno Schachtner, alto
Julian Prégardien (Évangeliste)
Johannes Weisser (Jésus)
Anja Petersen, soprano
Minsub Hong, ténor
Jonathan de la Paz Zaens, basse
RIAS Kammerchor
Akademie für Alte Musik Berlin
direction : René Jacobs | |
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