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CRITIQUES DE CONCERTS 21 décembre 2024

Reprise de La Rondine de Puccini dans la mise en scène de Rolando Villazón, sous la direction de Roberto Rizzi Brignoli à la Deutsche Oper Berlin.

La liberté de Magda
© Bettina Stöss

Opéra de maturité de Puccini le plus rare, La Rondine dans la reprise de la production Rolando Villazón de 2015 bénéficie cette année de deux sopranos très en voix, à commencer par la magnifique Cristina Pasaroiu dans le rôle de Magda, accompagnée par un orchestre de la Deutsche Oper léger sous la baguette de Roberto Rizzi Brignoli.
 

Deutsche Oper, Berlin
Le 01/05/2017
Vincent GUILLEMIN
 



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  • MalgrĂ© Tosca en 1900 et Madama Butterfly en 1905, l’entrĂ©e dans le XXe siècle est un passage compliquĂ© pour Giacomo Puccini, et si les doutes s’apaisent quelque peu en 1910 avec une nouvelle inspiration pour la Fanciulla del West grâce Ă  Arturo Toscanini, la boucherie de la Première Guerre mondiale n’est pas pour inspirer un compositeur aussi sensible, qui cherche donc de nouveaux sujets d’une part avec ce qui deviendra Il Trittico, de l’autre avec une opĂ©rette, rapidement transformĂ©e en opĂ©ra-comique, puis au final tellement retouchĂ©e qu’elle en finit presque dramatique, Ă  cela près que personne n’y meurt.

    La Rondine voit donc le jour en 1917 à l’Opéra de Monte-Carlo, pour une action située entre Paris et Nice où l’on ressent des relents de Bohème, retour en arrière stylistique pour une musique souvent proche de Butterfly, avec une scène finale à la Manon Lescaut. Cette histoire de fille facile dans une vie mondaine rappelle aussi la Traviata, dont Villazón metteur en scène a repris ici l’idée de Benoît Jacquot à l’Opéra de Paris de l’Olympia de Manet au-dessus du lit, quand le ténor franco-mexicain utilise la Vénus d’Urbin du Titien en toile de fond.

    Avec un tel livret, on ne demandait pas à Rolando Villazón de remettre en cause le Regietheater, mais sa proposition plutôt agréable cherchant le côté buffa est vite limitée par des idées trop simples, une peinture de ciel bleu découpée dans le style du Retour de Magritte n’inspirant pas beaucoup plus que trois hommes sans visages sortis d’un tableau de Chirico, même si ces figures fantomatiques servent à une belle image dans la scène finale, lorsque l’héroïne met un même masque blanc à son dernier amant, lui faisant rejoindre les anonymes précédents qui n’avaient pas non plus réussi à lui faire quitter son monde.

    Sur scène, la distribution réunie est des plus efficaces, à commencer par le couple Lisette-Prunier, d’où ressort la soprano de l’ensemble berlinois Alexandra Hutton, dont le timbre agréable s’allie avec une voix vivante, peut-être juste parfois trop aléatoire dans la ligne de chant. Son amant est campé par le dynamique Alvaro Zambrano, surjouant la comédie avec une gestuelle bienheureuse en alliage parfait avec sa voix pleine de soleil.

    En Ruggero, Vincenzo Costanzo possède une projection trop faible pour être marquante, mais suffisante dans l’émotion et la nuance pour toucher à la scène finale. Stephen Bronk campe un Rambaldo de bon aloi, plus identifiable que le Périchaud et l’Haushofmeister un peu faible de Noel Bouley, les seconds rôles les plus délicieux étant ceux des femmes Lisa Mostin (Yvette), Meechot Marrero (Bianca) et Abigail Levis (Suzy), dragueuses par leurs gestes comme par leur chant. On retiendra également un chœur énergique et enjoué, tout comme les danseuses du ballet, faisant passer le deuxième acte comme si l’on se trouvait à la Komische Oper à quelques rues de là, et non plus à la sérieuse Deutsche Oper.

    Pourtant, si cette soirée valait vraiment le déplacement, c’est avant tout pour la star de l’ouvrage, une Magda superbement développée par la soprano Cristina Pasaroiu, qui ferait parfois penser à la jeune Angela Gheorghui dans la souplesse et la magnifique couleur, en plus d’une capacité soignée à filer les aigus. Son charisme scénique et sa prestance à porter son personnage déguisé dans l’acte médian feront guetter ses prochaines apparitions.

    Enfin, le chef Roberto Rizzi Brignoli parvient à faire ce que peu réussissent avec l’Orchester der Deutschen Oper en lui refusant toute lourdeur (sauf aux flûtes) en le maintenant dans une ligne fluide et colorée, des violons au piccolo, en plus d’une brillance agréable aux cuivres. On regrettera peut-être que la dernière scène ne soit plus enflammée, mais pour une soirée de répertoire d’un tel luxe, cela était déjà nettement suffisant !




    Deutsche Oper, Berlin
    Le 01/05/2017
    Vincent GUILLEMIN

    Reprise de La Rondine de Puccini dans la mise en scène de Rolando Villazón, sous la direction de Roberto Rizzi Brignoli à la Deutsche Oper Berlin.
    Giacomo Puccini (1858-1924)
    La Rondine, comédie lyrique en trois actes (1917)
    Livret de Giuseppe Adami d’après Der Schwalbe d’Alfred Maria Willner et Heinz Reichert

    Opernballett der Deutschen Oper Berlin
    Chor und Orchester der Deutschen Oper Berlin
    direction musicale : Roberto Rizzi Brignoli
    mise en scène : Rolando Villazón
    décors : Johannes Leiacker
    costumes : Brigitte Reiffenstuel
    lumières : David Cunningham
    chef de chœur : Raymond Hughes
    chorégraphie : Silke Sense

    Avec :
    Cristina Pasaroiu (Magda), Alexandra Hutton (Lisette), Vincenzo Costanzo (Ruggero), Alvaro Zambrano (Prunier), Stephen Bronk (Rambaldo), Noel Bouley (Périchaud / Haushofmeister), Matthew Newlin (Gobin), Thomas Lehman (Crébillon), Lisa Mostin (Yvette), Meechot Marrero (Bianca), Abigail Levis (Suzy).

     


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