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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production de Semiramide de Rossini mise en scène par Nicola Raab et sous la direction de Domingo Hindoyan à l'Opéra national de Lorraine.
Entre baroque et Bel canto
Nicola Raab signe à Nancy une Semiramide aux enjeux théâtraux aussi ambitieux qu'insolites. Réflexion autour des racines baroques du chef-d'œuvre de Rossini, la mise en scène explore les faux-semblants du théâtre. Le plateau de grande qualité est dominé par la performance du contre-ténor Franco Fagioli en Arsace et Salome Jicia dans le rôle-titre.
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Cette Semiramide mise en scène par Nicola Raab prendra certainement à contrepied les partisans d'un Bel canto en carton-pâte et fausses dorures censés en exalter la noblesse et le délire. Il faut y voir sans doute la volonté de tracer des lignes de lecture dans un livret où s'accumulent coups de théâtre et intrigues hautement improbables. On tourne ici le dos à une approche littérale, la scène présentant une forme de mise en abyme de l'art de représenter et du vrai-faux qui régit la forme théâtrale.
Le drame est vu depuis les coulisses, avec tout un déploiement de câbles et de panneaux peints tombant des coulisses. La scène est divisée à droite par une scène à tréteaux et à gauche par un espace où se croisent protagonistes et figurants. L'immense miroir qui descend sur scène au moment où l'oracle interfère avec l'aveu de Semiramide sert de point de référence freudien. Assur s'effraie de son propre reflet, et manque de sombrer dans la folie au moment où il traverse et fait éclater en morceaux le miroir fatal.
L'allusion au théâtre baroque transparaît dans les costumes, les fards livides et les perruques poudrées. Idreno semble sortir tout droit inspiré d'une fantaisie royale figurant un personnage infernal, avec souliers à boucles et coiffe délirante. Davantage qu'un caprice de mise en scène, ces allusions cadrent parfaitement avec le fait que cette Semiramide de Rossini semble regarder une dernière fois vers les fastes disparus de l'opéra baroque. Sa carrière parisienne ne va pas tarder à débuter, les gestes vocaux et le traitement de l'orchestre ne cessent de soupirer des adieux nostalgiques à Naples.
L'autre référence au chant baroque est à chercher dans la voix de Franco Fagioli, étonnant trait d'union entre opera seria et bel canto et dont l'étourdissante performance en Arsace tient à la fois de la prouesse et de la gageure. Les tenants de l'impeccable ciselure des ornements resteront sans doute sur leur réserve et lui préfèreront des gosiers féminins millimétrés et taillés sur mesure. Des oreilles plus curieuses admireront le naturel déconcertant avec lequel le contre-ténor se promène avec aisance dans ces guipures virtuosissimes, avec une assise un rien marquée dans les notes graves.
Salome Jicia lui oppose une Semiramide de haute tenue, alternant puissance de l'émission et qualités techniques hors du commun. L'incarnation n'a pas la sensibilité de son partenaire, sans que certaines rigidités dans la ligne générale ne puissent être retenues comme des défauts majeurs. Nahuel di Pierro campe un Assur vibrant et sensible, faisant montre d'une belle autorité avec des moyens pas toujours dominés, notamment dans les changements de registres et la surface vocale. Fabrizio Beggi fait trembler d'effroi en Ombre de Nino et en Oroe ; la voix est calibrée et d'une belle densité expressive, tandis que Matthew Grills trouve en Idreno un rôle qui tombe sans un pli sur une voix de ténor rossinien très prometteur.
La direction roborative et affirmée du jeune Domingo Hindoyan donne à Rossini une carrure plein d'énergie, sans jamais chercher dans les effets et la brillance inutiles des moyens qui dénatureraient sa lecture. On guettera avec intérêt la prochaine mise en scène de Nicola Raab : Francesca da Rimini la saison prochaine à l'Opéra du Rhin.
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