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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Reprise de La Cenerentola dans une mise en scène de Jean-Pierre Ponnelle et sous la direction de Giacomo Sagripanti à la Bayerische Staatsoper de Munich.
Princesse d’ensemble
Alors que Paris change cette semaine sa production de Cenerentola, la Bayerische Staatsoper reprend celle de Jean-Pierre Ponnelle pour quatre soirs de répertoire, permettant d’évaluer le niveau de la troupe de l’une des plus belles maisons d’opéra du monde, et de profiter du ténor Javier Camarena en plus de la direction italienne du jeune Giacomo Sagripanti.
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Les Parisiens en manque de conservatisme avaient retrouvé en 2011 et 2012 sur la scène du Palais Garnier la production de Jean-Pierre Ponnelle de Cenerentola créée en 1968. La même qui servira d’écrin la saison prochaine à Cecilia Bartoli à Monte-Carlo. Elle appartient pourtant aujourd’hui à Munich et sert régulièrement lors de reprises in situ pour lesquelles le temps de répétition laissé aux chanteurs comme au chef semblerait impossible en France ; quelques heures à peine avant d’arriver prêt devant le public à la première d’une session de reprises.
Cela suffit pourtant dans une institution telle que la Bayerische Staatsoper à montrer un niveau d’ensemble efficace, bien que ramené au minimum sur la dramaturgie et le style rossinien. La mise en scène ultra-classique présente des costumes d’époques avec robes bouffantes pour les deux sœurs aimées du père, face à une robe simple pour la troisième fille, aimée du Prince. La future princesse portera au bal une robe à volants noire, tandis que les décors de toiles proposent un résultat visuel bien loin des attentes modernes, une conception de l’opéra enfermée dans un musée de poussière deux cents ans plus tôt, avec gags faciles mais toujours opérants pour faire rire un parterre ravi toute la soirée.
Au ténor près, presque tous sur scène proviennent de l’Ensemble de Munich, à commencer par Angelina elle-même, Cenerentola portée par Tara Erraught. La mezzo-soprano tient son rôle plus qu’honorablement, mais ne détient rien du charisme ni de la grandeur vocale attendue pour le marquer, en plus de ne posséder ni les aigus que seule des mezzos comme Garança ou Di Donato connaissent aujourd’hui, ni la technique de vocalise idéale, ni le vocable et l’agilité de l’italien. Intelligente et touchante dans le dernier air, elle est inaudible dans les ensembles.
Ces deux sœurs amusent particulièrement, réussissant même à faire perdre son sang-froid au Philosophe superbe de grave et de présence de Luca Tittoto. Clorinda trouve en Eri Nakamura une espiègle soprano encore peu en voix dans la première scène, puis très vite à l’aise, tandis que Tisbe convainc dès la première phrase en la personne de Rachael Wilson. Le père de Lorenzo Regazzo n’a plus vingt ans et la voix a perdu ses nuances comme sa puissance, mais au moins contient-elle tout ce qu’il faut d’italien pour suivre le chef et les accélérations demandées par la tradition rossinienne.
Le valet Dandini campé par Sean Michael Plumb montre un excellent travail du texte comme du jeu, crédible en faux prince pour attirer les sœurs à la faute et protéger son maître. Il lui semble supérieur en charisme au début de l’opéra pour ne redevenir que serviteur par la suite. Il faut dire que le maître a de quoi convaincre, car Munich a fait appel à l’un des meilleurs ténors rossiniens actuels, le Mexicain Javier Camarena. Sa tenue de la ligne comme de la langue italienne s’accordent à une capacité à monter jusqu’à des aigus phénoménaux, atteints sur un fil droit et toujours pur.
En fosse apparaît pour la première fois à Munich le jeune chef italien Giacomo Sagripantin qui donne un véritable style à la partition créée à Rome il y a exactement deux cents ans. Mais on ressent dans la machine orchestrale bavaroise, idéale pour Wagner et Strauss, une incapacité latente à comprendre les notions de légèreté ou de soleil, chez les bois comme chez les cuivres. Sagripanti est en plus bloqué par son plateau et tente d’imposer un silabato ou des accelerandi que les chanteurs ne peuvent suivre. Reste pourtant une ouverture de grande tenue comme un suivi théâtral précis tout au long de la représentation, largement suffisant pour donner un résultat plus qu’honorable à cette soirée de pur répertoire.
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