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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Reprise de Pelleas et Mélisande dans la mise en scène de Bob Wilson sous la direction de Philippe Jordan à l’Opéra de Paris.
Symbolisme au-delĂ
Magique, la mise en scène de Bob Wilson continue à épouser la musique de Debussy et le texte de Maeterlinck pour nous offrir un Pelleas et Mélisande de rêve. L’ambigüité du drame est ici éclairée d’une précision aussi subtile que mystérieuse. Vingt ans après sa création au Palais Garnier, cette production de l’opéra de Debussy n’a jamais été aussi unique.
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Quelle étrangeté fascinante… Sur la scène de l’Opéra Bastille, ce Pelléas et Mélisande garde son pouvoir, unique à l’image de l’opéra de Debussy. La poésie de Robert Wilson fusionne celles de même visionnaires d’un indicible exprimé par les auteurs de cet opéra, Maeterlinck et Debussy. Aux glissements de la musique se marient les glissements d’un décor aussi elliptique que le langage. La scénographie architecturée par la lumière cisèle la suggestion des sentiments en suspens.
Le jeu hiératique des chanteurs retrouve celui des acteurs voulu par l’écrivain belge, dont la pièce, à sa création au Théâtre de l’œuvre en 1893, avait provoqué une résonnance immédiate en Debussy. Chaque geste, chaque déplacement s’accouple aux mots et leur insolite réticence. Les mains qui se tendent et ne saisissent rien, les dialogues en suspens, l’étirement du temps et de l’espace rejoignent l’inexprimable évoqué dans une musique qui « eût l’air de sortir de l’ombre… et par instant y rentrât », souhaitait le compositeur.
Refusant toute illustration réaliste à ce drame d’amours impossibles, Robert Wilson en stylise les émotions. Quelle beauté dans cette perfection d’attitudes et de déplacements qui subliment l’atmosphère et sans résoudre ses mystères en éclaire les profondeurs ! Et donne son poids à chaque personnage, conditionnant sa présence autant sinon plus que sa voix.
Elena Tsallagova incarne cette Mélisande venue d’on ne sait où, apeurée et résolue, joueuse et inconsciente, le timbre en accord avec cette légèreté charmeuse. L'identification est parfaite, le naturel de son chant parlé, la clarté de ses non-réponses nuancent émois et désarroi en toute innocence. La crainte, l’amour, l’étonnement, la mort la gardent cette ingénue toute à ses états d’âme que Golaud s’acharne à connaître.
Follement épris, Luca Pisaroni l’est, tour à tour intrigué, protecteur, éperdument jaloux et là , sans trahir la précision habitée de son chant, grandiose victime d’un harcèlement qui bouleverse les non-dits ; avec le petit Yniold, une Jodie Devos justement déterminée, avec sa femme mourante et malgré l’autorité d’Arkel, un Franz-Josef Selig qui en manque, la voix inégale et dépourvue de la sagesse rayonnante de son âge.
Étienne Dupuis met un certain temps à devenir Pelléas. À peine chantant, presque parlant, l’intériorité du jeu donne la clef de ce rôle. Qu’il semble ne pas le vivre intensément banalise son humanité troublée. C’est dans la grotte et l’ultime tête-à -tête avec Mélisande qu’il crédibilise sa passion, magnifiquement soutenue par un orchestre dont les nuances n’ont pas toujours auparavant répondu à celles de la mise en scène.
Si Philippe Jordan donne à entendre toutes les subtilités de la merveilleuse partition, sa direction tend à les unifier et parfois au-dessus de la tête des chanteurs. La qualité sonore ombre et voile un peu trop uniment les préludes qui parcourent l’œuvre, prolongent ou relient des situations souvent laissées sans conclusion. La magie n’en opère pas moins, qu’elles que soient les quelques réticences légitimées par l’exigence portée aux moindres détails visuels.
Anna Larsson en Geneviève, Thomas Dear en Berger puis Médecin participent d’une distribution vocalement homogène et compréhensible. Phrases articulées, timbres et silences respectent la langue française, une réussite assez rare pour être soulignée. Vingt ans après sa création au Palais Garnier, le Pelléas et Mélisande de Debussy, Maeterlinck et Robert Wilson continue à défier le temps. Démiurge d’un spectacle demeuré envoûtant, ce dernier a confirmé, fécondé la rareté d’une œuvre sans suite ni précédent.
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