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CRITIQUES DE CONCERTS |
31 octobre 2024 |
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Premier concert du cycle des symphonies de Tchaïkovski par l’Orchestre de l’Opéra national de Paris sous la direction de Philippe Jordan.
Beauté orchestrale
Trois ans après l’intégrale des symphonies de Beethoven, Philippe Jordan s’attaque, toujours à l’Opéra Bastille et avec l’Orchestre de l’Opéra national de Paris, aux symphonies de Tchaïkovski. Un premier concert réunissait la Première et la Cinquième Symphonie. Une somptueuse démonstration instrumentale, sous la direction très généreuse de son chef.
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Il serait facile de parler de Philippe Jordan comme de l’opposé de Gergiev. Là où ce dernier se lance avec un enthousiasme et un engagement aussi génial que débridé, assez irrésistible en dépit de ses excès, il faut bien le reconnaître, Jordan s’empare de cette musique à pleins bras, comme on accueille une personne aimée, et il en savoure aussi savamment que sensuellement la présence. Il y a une magnifique alliance de volupté pure, de science analytique et de connaissance de la globalité de cet univers dans son approche de ces pages orchestrales à l’écriture ample, pleines de sève, riches en couleurs, débordantes de sensibilité.
Et la comparaison avec Beethoven, à l’écriture si différente et dont Tchaïkovski voulait fermement se démarquer dans son désir de créer une musique symphonique vraiment russe, vient vite à l’esprit. Avec la Première Symphonie en particulier, on se sent bien plus dans l’héritage de Glinka quant à une thématique aux allusions populaires et aux couleurs franches, voire dans celui de Berlioz quant à l’originalité de l’orchestration et de l’utilisation des timbres.
On reproche parfois à Jordan de trop faire dans le joli et le léché. Il faudrait avoir ici beaucoup de parti pris pour ne pas reconnaître qu’il s’engage sans aucune réticence dans une vaste aventure passionnelle, conscient de l’instrument exceptionnel que représente l’Orchestre de l’Opéra. Évidemment, le chef ne dirige pas Tchaïkovski comme Beethoven ou Verdi. Il connaît cette musique, cette culture, tous les tourments intérieurs du compositeur qui avait d’ailleurs exprimé largement tout ce qui concerne sa réflexion sur le caractère implacable du destin dans son Lac des cygnes de 1877 lorsqu’il s’attaque à sa Cinquième Symphonie en 1888.
Si la Première Symphonie baigne dans une lumière plus claire, moins tourmentée, avec des rythmes et des thèmes frôlant parfois la musique traditionnelle, la Cinquième développe une thématique récurrente qui tourne obsessionnellement autour de cette angoisse, de ce désenchantement face au destin, tantôt avec une nostalgie assez lyrique, tantôt avec une violence agressive comme dans le quatrième mouvement.
Jordan et l’orchestre brassent ces somptueuses masses sonores dans leur subtilité, leur retenue comme dans leurs emportements avec un art consommé des couleurs, des oppositions de timbres, de la fusion des émotions. C’est non seulement d’une belle exactitude stylistique mais d’une grande beauté sonore, tous les pupitres, l’harmonie en particulier, rivalisant dans le domaine de plus haute exécution instrumentale individuelle. Les temps de danse qui surgissent ici et dans la Cinquième, thèmes de la Belle au bois dormant au début ou la Valse qui débute le troisième mouvement, sont traités dans la continuité du propos général, bien en fonction de leur caractère spécifique mais sans une exagération qui pourrait nuire à l’homogénéité globale.
Bref une magnifique soirée orchestrale à tous égards, qui obtient d’ailleurs un vif succès. On attend avec d’autant plus d’intérêt les deux prochaines soirées au printemps prochain.
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Opéra Bastille, Paris Le 12/10/2017 Gérard MANNONI |
| Premier concert du cycle des symphonies de Tchaïkovski par l’Orchestre de l’Opéra national de Paris sous la direction de Philippe Jordan. | Piotr Illitch Tchaïkovski (1840-1893)
Symphonie n° 1 en sol mineur op. 13 « Rêves d’hiver »
Symphonie n° 5 en mi mineur op. 64
Orchestre de l’Opéra national de Paris
direction : Philippe Jordan | |
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