|
|
CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
|
Reprise de la Clémence de Titus de Mozart dans la mise en scène de Willy Decker, sous la direction de Dan Ettinger à l’Opéra de Paris.
Titus en pastel
Production sage et intelligente que ce Titus de l’Opéra de Paris imaginé par Willy Decker et dirigé sans grand relief par Dan Ettinger. Une distribution de qualité, dominée par une Stéphanie d’Oustrac éminemment artiste, et une belle scénographie ne suffisent pas tout à fait à donner le frisson dans cette œuvre réputée difficile, voire faible, mais surtout d’une suprême exigence.
|
|
Bons baisers d’Eltsine
RĂ©gal ramiste
L'Étrange Noël de Mrs Cendrillon
[ Tous les concerts ]
|
S’il est dur de revenir à une simple Clémence après la production phare de Peter Sellars à Salzbourg cet été, il ne faut pas se tromper de procès : l’Américain avait (sur l’idée de son comparse Currentzis) copieusement violenté l’œuvre, même s’il s’agissait de lui faire de beaux enfants ; mais si l’on avoue avoir soudain réalisé, devant le travail de Willy Decker, étrenné ici à Garnier en 1997, combien le spectacle salzbourgeois nous a profondément marqué, réaffirmons sans ambiguïté l’exceptionnelle qualité de la Clémence de Titus, œuvre tout à fait autosuffisante et à la hauteur de la Flûte enchantée ou de Don Giovanni.
Rien de très marquant ici, mais du maîtrisé, de l’efficace, du métier. Une conception lisible, claire, concentrée : la tristesse insondable (et pourtant lumineuse, schubertienne, pour reprendre les termes du metteur en scène) d’un opéra dont l’intrigue politique est prétexte à parler de l’amour, l’impossible amour, l’amour perdu d’avance. D’où une scénographie ambiguë, temple monumental et harmonieux mais déséquilibré, bloc de marbre d’où émerge progressivement le buste de l’empereur, en même temps que lui-même naît au pouvoir, le tout derrière un jeu de toiles peintes évoquant les différents personnages dans un style assez en accord avec le plafond de Chagall.
La lisibilité des costumes, presque naïve – le preux Titus en blanc, le vil Publio en noir, les amoureux insouciants Annio et Servilia en jaune, la bien-aimée impossible Bérénice en rouge, les incertains en gris (Sesto) ou changeant de couleur (Vitellia) – est heureusement rehaussée par des maquillages et coiffures au plus près des personnages, dans un esprit très immédiat et marivaudien, évitant la galerie de robots manichéens.
Valentina Nafornita en particulier est en dépit d’un chant un rien avalé un pur rayon de soleil qui exclut Annio de l’intrigue dès que leur mariage est arrangé (et qu’elle l’a rhabillé en jaune). Ce dernier bénéficie du mezzo au contraire très projeté d’Antoinette Dennefeld, et semble assumer la conception sans nuage du personnage proposée par Decker, quitte à survoler les passages d’intériorité.
Sous une coiffure rigide de patricienne, la Vitellia aristo d’Amanda Majeski, en revanche, ne recule pas devant les effets de poitrine et le poison, limitée malgré tout par un timbre un peu dur et les aigus assassins du rôle ; Stéphanie d’Oustrac tire ainsi son épingle du jeu, avec un instrument pas fondamentalement mozartien (la comparaison avec Marianne Crebassa en alternance nous paraissant à l’avantage de cette dernière), mais une intensité, une exaltation, un soin apporté aux nuances, qui ternissent quelque peu le style un rien relâché et l'aigu diffus de Ramón Vargas, en dépit d’une bienveillance, d’un engagement très touchants.
Le chœur, dont on pourra discuter les costumes ampoulés et les coiffures géométriques, ne brille ni par sa diction molle, ni par son impact limité, ni par une qualité entachée de vibratos intempestifs. À l’instar de Marko Mimica, méchant Publio qui se prend pour le premier ministre, et dont le métal surfait ne compense pas une émission engorgée.
L’Orchestre de l’Opéra apparaît assez épais, en particulier dans des marches ou passages pompeux englués ; l’ouverture promettait pourtant beaucoup de panache, mais Dan Ettinger laisse jouer long, nivelant le phrasé, obtenant ici ou là quelques très beaux piani (le rondo de Sesto). Il est jusqu’au solo de clarinette de Parto de pécher par excès de brillant, surtout dans cette conception scénique en demi-teinte. Lorgner Marivaud est une idée merveilleuse et mozartienne ; mais comme elle exige un autre soin pour ne pas tomber dans le quotidien, un chant plus délicat, plus ciselé, un orchestre plus ambigu !
| | |
| | |
|