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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Création de la Princesse Légère de Violeta Cruz dans une mise en scène de Jos Houben et Emily Wilson et sous la direction de Jean Deroyer à l’Opéra de Lille.
Une soutenable légèreté
Frissonnant d'œillades et de pirouettes, la musique de Violeta Cruz sert d'écrin à une Princesse légère entre conte initiatique et jeu de la séduction. Adaptée d'un récit de George MacDonald, cette inoffensive fabulette bénéficie d'une mise en scène qui convient à la dimension d'un opéra de poche, admirablement accompagné par Jean Deroyer.
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Cette Princesse légère a subi bien des malheurs. Après le faux-départ de l’Opéra Comique, contraint à reporter son ouverture à cause de retards dans les travaux, c'est à l'Opéra de Lille de proposer la création de cet opéra de poche signé de la compositrice colombienne Violeta Cruz. À l'écoute, on s'interroge sur la destination jeune public d'une œuvre relativement exigeante malgré l'habillage ludique de la mise en scène.
La légèreté est ici un phénomène physique en forme de maléfice, lancé par sa sorcière de marraine pour se venger de n'avoir pas été invitée à la cérémonie du baptême. Privée au sens propre et figuré de sa gravité, la petite princesse s'échappe des mains de sa nourrice, au grand désespoir de ses parents. Seul le contact avec l'eau lui remet un peu les pieds sur terre, comme l'eau de ce lac au bord duquel elle rencontre un prince amoureux. Celui-ci acceptera de donner sa vie par amour pour la petite princesse. Variante de la Belle au bois dormant, ce conte est signé George MacDonald, contemporain de Tolkien et ami de Lewis Carroll.
L'écriture vocale semble faire peu de cas de l'adaptation française réalisée par Gilles Rico. Émiettant le phrasé en une multitude de syllabes flottantes, Violeta Cruz ne facilite pas la compréhension littérale sans vraiment sortir d'une alternance assez morne entre parlando et mélismes. Cette musique rythmiquement picorée de traits et de points, pétille de gracieusetés qui évoquent volontiers les gestes instrumentaux de Maurizio Kagel, Stefano Gervasoni, voire les dentelles de Gérard Pesson.
En définitive, rien de véritablement rebutant mais rien aussi d'une séduction qui irait au-delà d'une écoute en forme de très dilettante chasse aux papillons. L’Ensemble Court-Circuit assure en fosse et sur scène des interventions d'une grande qualité, bien soutenu par la direction énergique de Jean Deroyer. Les timbres naturels bénéficient d'un traitement par les équipes de l'IRCAM, la technologie prenant le relai d'une dramaturgie souvent répétitive, sauf quand apparaissent les allusions aux larmes et au lac. Si l'amplification des voix n'est pas toujours d'un équilibre irréprochable, l'idée de transformer certains éléments du décor en objets sonores pourra séduire.
À trop jouer sur l'aspect œuvre ouverte ou work-in-progress, la mise en scène de Jos Houben et Emily Wilson brouille les pistes d'un conte initiatique qui repose sur une idée assez simple. Beaucoup de gestes pour (presque) rien et un opéra ni vraiment pour petits et pas pour tous les grands. Oria Puppo imagine un dispositif de panneaux amovibles qui finit par lasser, tout comme ses costumes pop-hystériques entre Bauhaus et Walt Disney. On s'étonne que les allusions à la légèreté du personnage principal n'aient pas mérité mieux que des trucages littéralement tirés par les cheveux.
Après avoir enfilé le costume du Petit Prince de Michaël Levinas, la pétulante Jeanne Crousaud revient sur la même scène de l'Opéra de Lille avec ses œillades et une science consommée des mimiques de films muets. La voix affûtée et brillante se glisse à merveille dans l'étroitesse des brisures phonétiques. La voix très projetée de Jean-Jacques L’Anthoën donne au Prince une carrure et un phrasé de bon aloi tandis que le Roi (Nicholas Merryweather) et la Reine (Majdouline Zerrari) sont relégués tous deux à l'arrière-plan.
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