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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production de Kátia Kabanová de Janáček dans une mise en scène de Philipp Himmelmann et sous la direction de Mark Shanahan Ă l’OpĂ©ra de Lorraine, Nancy.
L'acmé de la claustrophobie
Encore une rĂ©ussite de plus pour l’OpĂ©ra national de Lorraine avec cette Kátia Kabanová de Janáček Ă la proposition scĂ©nique forte quoique pas pleinement convaincante de Philipp Himmelmann, et surtout Ă la distribution impeccable oĂą domine le rĂ´le-titre d’une Helena Juntunen incandescente, portĂ©e par la direction de Mark Shanahan.
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On commence à bien connaître Helena Juntunen dans l’Est (elle a beaucoup chanté à Nancy et Strasbourg) et cette Kátia lui va de nouveau à la perfection. La chanteuse est tout aussi capable d’évoquer la fragilité de la jeune épouse dominée par sa belle-mère que la passion auprès de son amant puis la folie qui la pousse au suicide grâce à une malléabilité impressionnante, de la confidence au lyrisme éperdu.
Son mari Tikhon est incarné par un magistral Éric Huchet, qui malgré son physique de colosse, est parfaitement crédible en mari faible et dépassé par les événements. Il faut dire que Leah-Marian Jones est impressionnante en Kabanicha, la voix est puissante et tranchante et l’artiste n’en fait pas trop. Elle trouve en Alexandre Teliga (Dikoï) un partenaire à sa hauteur car tout aussi impressionnant par le physique et la voix, mais sans doute moins subtil dans l’incarnation.
Trystan Liyr Griffiths, très beau timbre, aigus impeccables, est parfait en Koudriach, l’amant de Varvara campée, elle, par la franche Eleonore Pancrazi, belle voix ambrée, tandis que Peter Wedd, le troisième ténor de la distribution, nous emporte autant que les deux autres par la puissance de son Boris.
Tous sont soutenus avec grand soin par Mark Shanahan qui offre une direction très claire, réussissant à porter l’Orchestre symphonique et lyrique de Nancy – hormis dans un prélude un rien brouillon – vers des sommets. Les tempi vont droit au but, vers des finales tonitruants et impressionnants, sauf celui du dernier acte qui, par manque d’ampleur et de largesse, paraît trop expédié. Pour autant, c’est une direction pleine de personnalité qui séduit aussi par une mise en place impeccable.
Philipp Himmelmann propose une scénographie très originale en plaçant l’action dans un hall d’immeuble de la Russie de la perestroïka, temporalité renforcée par des costumes bigarrés, flirtant parfois avec la vulgarité (Kabanicha, Varvara), ce qui met d’autant plus en valeur la simple robe rouge de Kátia, telle celle que porte l’élue dans le Sacre du printemps selon Pina Bausch, comme si la jeune fille était condamnée d’office.
La formidable direction d’acteurs apporte beaucoup de vie et d’intensitĂ© dans ce dĂ©cor unique, mais Ă©tait-il nĂ©cessaire de faire autant rĂ©fĂ©rence au sexe ? La noblesse des couples amoureux nous semble au-delĂ de la simple attirance physique, Ă l’image de l’amour du vieux Janáček pour la jeune Kamila, qui lui inspira ses plus grands chefs-d’œuvre lyriques, et tant les relations saphiques de Glacha et Fekloucha que le rapprochement entre Kabanicha et DikoĂŻ nous paraissent des facilitĂ©s dans cette Ĺ“uvre.
Autre point problématique : la totale absence de la nature, pourtant si présente dans le livret, au profit d’un sentiment de claustrophobie quasi insupportable, renforcé par une mobilité du mur du fond qui ne cesse d’aller de jardin à cour (sans le moindre bruit parasite) durant toute la représentation, donnée sans entracte, et montrant toujours les mêmes éléments : portes d’appartement, compteurs électriques, extincteurs, aquarium. Lorsqu’enfin ce mur s’ouvre vers l’extérieur, c’est pour évacuer Katia et se refermer sur cet univers cauchemardesque.
Au final, on ressort très marqué quoique pas entièrement convaincu par l’intensité de cette production d’une maison où Philippe Spielmann, son directeur, sait décidément réunir des équipes pour faire de grandes choses.
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Opéra de Lorraine, Nancy Le 04/02/2018 Pierre-Emmanuel LEPHAY |
| Nouvelle production de Kátia Kabanová de Janáček dans une mise en scène de Philipp Himmelmann et sous la direction de Mark Shanahan Ă l’OpĂ©ra de Lorraine, Nancy. | Leoš Janáček (1854-1928)
Kátia Kabanová, opéra en trois actes (1921)
Livret du compositeur d’après la pièce l’Orage d’Ostrovski
Chœurs de l’Opéra national de Lorraine
Orchestre symphonique et lyrique de Nancy
direction : Mark Shanahan
mise en scène : Philipp Himmelmann
décors : David Hohmann
costumes : Lili Wanner
éclairages : François Thouret
Avec :
Helena Juntunen (Kátia), Peter Wedd (Boris), Leah-Marian Jones (Kabanicha), Éric Huchet (Tikhon), Alexander Teliga (Dikoï), Trystan Llyr-Griffiths (Koudriach), Eléonore Pancrazi (Varvara), David Ireland (Kouliguine), Caroline MacPhie (Glacha), Marion Jacquemet (Fekloucha). | |
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