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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Récital de Nelson Freire dans la série Piano***** à la Philharmonie de Paris.
Une leçon de piano
Piano**** accueille Nelson Freire dans l'écrin de la grande salle Pierre Boulez de la Philharmonie de Paris, l'occasion d'entendre le plus grand coloriste du piano contemporain. L'espoir ne sera pas déçu : de Bach à Albéniz, le voyage semble trop court pour un public passionné, venu nombreux pour lui réserver une juste ovation.
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« On ne devrait jouer que des œuvres dont on est amoureux » aime à dire Nelson Freire quand on le questionne sur le choix de ses programmes. Ce bouquet de transcriptions de Bach donnés en ouverture de soirée n'a rien des passe-plats qui réchauffent les doigts et préparent le public à la suite. En témoigne ce Prélude pour orgue qui passe de l'ombre à la lumière, multipliant la matière sonore en une efflorescence de notes à la main droite, écho symétrique à la conclusion du Komm, Gott Schöpfer, heiliger Geist, enchaîné sur la même tonalité par le célébrissime Jesu, bleibet meine Freude. À aucun moment le pianiste brésilien ne contraint le discours ; la fluidité des lignes sert admirablement la lisibilité des plans.
Avec la Fantaisie op.17 de Schumann comme cheval de bataille, Nelson Freire met le cap sur des horizons que le premier mouvement indique justement comme fantastiques et passionnés. Sans jamais chercher dans la démonstration une façon de surligner la virtuosité naturelle du propos, il dose habilement les puissants contrastes dynamiques, les accords qui servent de scansion au mouvement. Le cadre cède à plusieurs reprises dans l'urgence du second mouvement Mässig, durchaus energisch, avec des doigts qui inévitablement accrochent un peu dans des traits joués à tombeau ouvert. La conclusion le trouve plus à son aise dans une forme apollinienne qui lui permet de dérouler comme personne ces délicates architectures d'arpèges et de chromatismes irisés.
Le Brahms de Nelson Freire n'a pas la pesanteur des brouillards romantiques qu'on trouve chez un Arrau ou un Kempff. Tout ici n'est que simplicité et évidence, laissant affleurer une émotion que ne vient troubler aucune intention superflue. Cet opus 119 est fascinant par l'économie de moyens et la puissance technique qu'il sait faire entendre sans jamais l'exhiber. Le Poco agitato du second Klavierstück a l'élégance sépia et nostalgique qui tient explicitement de l'art du peintre paysagiste.
Les deux pièces de Debussy poursuivent dans la veine des œuvres faussement salonardes de cette seconde partie. Chaloupée et aérienne, La plus que lente s'éclaire progressivement d'une clarté qui tient du chant et de la mélodie, tandis que le Golliwog's Cakewalk, légèrement boutonné, passe un peu à côté de l'humour qu'on y entend souvent. Le piano frère d'Isaac Albéniz prolonge le rêve debussyste avec une Evocación de toute beauté. C'est une Navarra martelée et goguenarde qui conclut la soirée dans une effusion colorée à couper le souffle.
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Philharmonie, Paris Le 09/02/2018 David VERDIER |
| Récital de Nelson Freire dans la série Piano***** à la Philharmonie de Paris. | Johann Sebastian Bach (1685-1750)
Prélude pour orgue BWV 535 (arr Siloti)
Ich ruf' zu Dir, Herr Jesu Christ BWV 639 (arr. Busoni)
Komm, Gott Schöpfer, heiliger Geist BWV 667 (arr. Busoni)
Jesu, bleibet meine Freude BWV 147 (arr. Hess)
Robert Schumann (1810-1856)
Fantaisie op.17
Johannes Brahms (1833-1897)
Vier Klavierstücke op. 119
Claude Debussy (1862-1918)
La plus que lente
Golliwog's Cakewalk (Children's Corner VI)
Isaac Albéniz (1860-1909)
Evocación
Navarra
Nelson Freire, piano | |
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