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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Reprise de l’Histoire du soldat de Stravinski dans la mise en scène de Stephan Druet au Théâtre de Poche-Montparnasse, Paris.
Un bonheur est tout le bonheur
Et ce spectacle du Théâtre de Poche en tout point réussi en est un. Dans la vibrante mise en scène de Stéphan Druet, les sept musiciens de l’Orchestre-Atelier Ostinato sous la direction d’Olivier Dejours ou de Loïc Olivier donnent à la musique de Stravinski son rôle essentiel dans cette Histoire du soldat décidément immortelle.
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Théâtre de Poche-Montparnasse, Paris
Le 07/02/2018
Claude HELLEU
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« Un bonheur est tout le bonheur ; deux, c’est comme s’ils n’existaient plus », rappelle Ă l’ancien soldat devenu riche et blasĂ© le Lecteur de cette Histoire du soldat Ă©crite par Ramuz et Stravinski pendant la guerre de 1914-1918, et conçue d’après le conte populaire russe d’Afanassiev telle une « espèce de petit théâtre ambulant ». « C’est qu’on n’a pas le bonheur de tout avoir : c’est dĂ©fendu Â». Mais avant de le constater Ă ses dĂ©pens, que d’aventures traverse Joseph après qu’il a quittĂ© son rĂ©giment, sept soldats comme lui en uniforme bleu et rouge, bien visibles comme ils l’étaient alors sur les champs de bataille, alignĂ©s sur la petite scène du Théâtre de Poche.
La présence des instrumentistes-soldats s’intègre ainsi au déroulement des événements. Capitaines de cet orchestre-fanfare, Olivier Dejours ou Loïc Olivier, en alternance chefs des sept excellents instrumentistes de l’Orchestre-Atelier Ostinato, mènent la folle aventure que raconte parallèlement le Lecteur, un Claude Aufaure totalement maître des situations. Sa présence, la sagesse de son regard sur ce qu’il évoque, suggère ou commente, prédit ou constate dans ce style étonnant et percutant de Ramuz, où chaque mot porte, s’allie à la musique hors norme de Stravinski. Cette fusion des rythmes et des paroles particulièrement difficile à réussir entoure la gestuelle des héros mise au point par Stéphan Druet.
Le metteur en scène a choisi de faire parler les corps. Julien Alluguette incarne ce soldat dont la naïveté ne cesse un moment, quoi qu’il lui arrive. Étonnement, joies et colères sur un visage expressif accompagnent les attitudes. Précises, symboliques, leur caractère minimaliste illustre parfaitement les différentes étapes vécues sous l’influence du Diable qui lui troque son âme, un tout petit violon, contre un livre, un coffre-fort…
Licinio da Silva prête à ce diable des interventions plus exubérantes que démoniaques. Tel un pitre, le personnage ne recule devant aucun effet sous les différentes apparences qu’il décide de prendre selon les situations. Risible, théoriquement tentateur mais peu inquiétant, il affiche son espiègle et parfois grotesque perversité avec l’assurance d’être l’indiscutable vainqueur de toutes les expériences vécues par sa proie. Y compris l’amour qu’il vit avec la fille du roi, ce qui nous vaut un pas de deux mené par une princesse en long tutu blanc, délicieuse touche archaïque réussie par Aurélie Loussouarn ou Malou Utreht.
Et ainsi, de virgules en rythmes, lue, jouée et dansée, la symbiose entre Ramuz et Stravinski va son chemin. Le phrasé particulier lié à la rythmique de la musique garde la spontanéité de ce combat innocent entre l’art et l’argent. La précision des instrumentistes, deux instruments de chaque famille, un grave et l’autre aigu, violon et contrebasse, clarinette et basson, cornet à pistons et trombone, plus une percussion, sert au mieux le dépouillement des sonorités si fabuleusement mixées. Portée à son sommet tant par le compositeur que par l’écrivain, sa rugosité vibre ici de toute son originalité. Elle réincarne l’Histoire du soldat au mieux d’un spectacle aussi poétique que réjouissant.
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