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CRITIQUES DE CONCERTS |
30 décembre 2024 |
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Nouvelle production de Simon Boccanegra de Verdi dans une mise en scène de Philipp Himmelmann et sous la direction de Roberto Rizzi Brignoli à l’Opéra de Dijon.
Boccanegra Ă huis clos
Sans faute pour l’Opéra de Dijon dans le pourtant périlleux Simon Boccanegra de Verdi, qui bénéficie d’une mise en scène en suffocant huis clos politique dans un décor fermé, d’une très belle et homogène distribution, ainsi que de la direction à la fois colorée et électrisante de l’authentique chef de théâtre Roberto Rizzi Brignoli.
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RĂ©gal ramiste
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Pour être l’un des Verdi les plus prisés des directeurs de théâtre (et des critiques), Simon Boccanegra n’affole en général pas autant les foules que les machines à sous Nabucco, la Traviata ou Rigoletto. Entre son livret si peu théâtral, ses intrigues politiques si peu romantiques, sa musique ouvragée mais finalement peu typique du Verdi populaire, il ne faut sans doute guère s’étonner d’un remplissage décevant à l’Opéra de Dijon, dont l’audace est d’autant plus mal récompensée que le spectacle est d’une magnifique homogénéité d’ensemble.
La mise en scène à huis clos de Philipp Himmelmann, transposée dans les années 1980 d’une dictature de l’Est, se confine dans un palais décrit comme celui des Ceaucescu, murs infranchissables et parois mouvantes, aucune échappatoire vers l’extérieur, l’élément marin au cœur du ressac orchestral de cet opéra se déroulant à Gênes n’étant évoqué que par un très large tableau au mur, en format Panavision et aux reflets aquatiques changeants.
Le metteur en scène a fait le choix que Maria, dont le livret nous informe seulement de la mort au prologue, apparaisse pendue au bout d’une corde, dans une pièce imbriquée dans le décor principal laissant entrevoir au lever et au tomber de rideau un magnifique (et vrai) cheval noir, symbole du suicide de la jeune femme. Dans cet ouvrage éminemment politique où progressistes et conservateurs sont symbolisés par plébéiens et patriciens, Himmelmann montre à quel point une fois au pouvoir, les plébéiens se coupent par trop de leur base en s’appuyant sur les mêmes structures bureaucratiques écrasantes que leurs opposants, ne pouvant que déclencher la colère de ceux qui les ont élus.
Avec une direction d’acteurs très classique, le plateau se coule sans peine dans le spectacle. Pépite de la distribution, le Gabriele Adorno de Gianluca Terranova, ténor brillant à la magnifique couleur latine, aux aigus comme à la parade – le Per Dio éclatant du I – ferait presque de l’ombre à son compatriote Vittorio Vetelli, Boccanegra beaucoup moins italien de couleur mais d’une belle projection à peine altérée dans les aigus les plus endurants, qui sait conférer de l’épaisseur aux tiraillements du rôle-titre.
En Paolo Albiani, Armando Noguerra a les parfaits accents du traĂ®tre, Ă©mission claire et percutante, fiel sous-jacent, l’exact opposĂ© du Jacopo Fiesco de Luciano Batinić, très beau creux dans le grave mais Ă©mission souvent encombrĂ©e, prĂ©sentĂ© ici en homme d’église. Enfin, Keri Alkema est une Amelia Grimaldi aux magnifiques ressources, un peu cueillie Ă froid dans Come in quest’ora bruna, laissant entendre une fois chauffĂ©e une voix longue, au vibrato ardent, Ă l’aise sur toute la tessiture, promenant son lirico-spinto avec un impact stupĂ©fiant dans les ensembles.
Tout ce beau monde est porté par un Roberto Rizzi Brignoli en parfait mélange entre des décharges électriques typiquement italiennes – la fièvre des scènes de foule, faisant trembler la fosse – et une recherche de couleurs donnant tout leur espace aux silences qui émaillent la partition, dans un flot admirablement modulé et mélancolique dans le prélude et les introductions instrumentales. Comment ne pas noter enfin les stupéfiants progrès du Chœur de l’Opéra de Dijon, à l’heure avec la fosse, aux courtes interventions très articulées, et à la couleur d’ensemble métamorphosée en quelques mois seulement ?
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