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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Des Canyons aux étoiles… de Messiaen sous la direction de Matthias Pintscher à la Philharmonie de Paris.
Sous la stratosphère
Le mieux est l’ennemi du bien : lestée par une installation lumineuse proche de l’indigence, l'interprétation de superbe facture du trop rare Des canyons aux étoiles… de Messiaen sous la baguette de Matthias Pintscher, avec les forces conjuguées de l’Intercontemporain et des stagiaires de l’Académie de Lucerne, peine à laisser décoller les auditeurs.
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Œuvre singulière, Des Canyons aux étoiles… agrège tous les éléments du langage et de l’inspiration d’Olivier Messiaen, à commencer par les chants d’oiseaux qui justifient avec la force de l’évidence sa programmation au sein de ce week-end thématique autour des oiseaux. Visionnaire, contemplative, elle présente la fresque fauve d'une ascension (de l'Homme et du regard) depuis le désert américain jusqu’à la cité céleste ; les blocs de couleurs s’y heurtent dans une jubilation sauvage, dans une poésie hors du temps, seulement peuplée des oiseaux et traversée de leurs chants.
Toute virtuosité dehors, l’Ensemble intercontemporain s’attaque à la partition avec le concours de l’Ensemble of the Lucerne Festival Alumni, dans un partenariat comme il en propose régulièrement, mais sans vraiment dépasser les aspects formels de la pièce. On ne trouvera ainsi rien à redire aux textures invraisemblablement sophistiquées de ces nappes de bois et cordes, au fondu absolu des piccolos dans les harmoniques, ou à la perfection d’un pupitre de percussion souverain, comme toujours tellement sollicité chez le compositeur, dont Samuel Favre et Gilles Durot propulsent respectivement au xylorimba et au glockenspiel une énergie rythmique extatique qui traverse les strates de la matière instrumentale.
Tout aussi maîtrisé, le piano de Hidéki Nagano, millimétré, chorégraphique, radical, ici barbare, là lunaire, est un modèle du genre, et constitue probablement le sommet de spiritualité du concert, libérée de la partition et esquissant un horizon poétique que l’orchestre n’atteindra vraiment que dans les pages les plus planantes (Aldébaran et Zion Park), malgré un engagement et une technicité qui ne sont absolument pas en question.
Mais peut-être nous laissons-nous alourdir par la bien prosaïque « création visuelle » d’Ann Veronica Janssens, dont le seul mérite est de présenter des couleurs et d’épouser une conception formelle homogène de la musique, à savoir, l’absence de points culminants, de transitions, au profit d’une égale importance de chaque instant. Sur ce point, on est servi par cette projection de disques chromatiques, un à la fois, dirigés aléatoirement sur le plafond de la salle – et dans des couleurs primaires ou secondaires bien loin des subtils reflets colorés décrits par Messiaen dans ses partitions.
Lassante à l’envi, dépourvue de tout pouvoir évocateur, elle pourrait à la limite avoir un effet hypnotique bienvenu, mais il n’en est rien. Cantonné à une écoute hors de tout lâcher-prise, on peine à quitter le sol ; peut-être aussi parce qu’il ne reste pas de place pour le silence et le vide, comblés par l’inexorable mouvement saccadé du projecteur entre deux illuminations musicales. Il est jusqu’à l’Appel interstellaire sophistiqué de Jean-Christophe Vervoitte au cor de paraître bien concret, sans angoisse ni ferveur.
Attentif à l’agogique, artisan soucieux des textures, le geste toujours élégant et efficace, Matthias Pintscher ne cherche pas à camoufler les ruptures, les angles abrupts, les longueurs même de la pièce. Mais peut-être cette lecture cérébrale manque-t-elle la dimension délirante, extatique, primitive de la vision cosmique de Messiaen ? Sans parvenir à transcender la matière sonore, elle nous laisse bien en-deçà de la stratosphère.
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Philharmonie, Paris Le 16/03/2018 Thomas COUBRONNE |
| Des Canyons aux étoiles… de Messiaen sous la direction de Matthias Pintscher à la Philharmonie de Paris. | Olivier Messiaen (1908-1992)
Des Canyons aux étoiles… (1974)
Ensemble intercontemporain
Ensemble of the Lucerne Festival Alumni
direction : Matthias Pintscher | |
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