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CRITIQUES DE CONCERTS |
31 octobre 2024 |
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Concert du Philharmonia Orchestra sous la direction d’Esa-Pekka Salonen au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.
Triomphe tellurique
Saisissante Symphonie n° 1 de Mahler sous la direction d’Esa-Pekka Salonen qui mène le Philharmonia Orchestra à ses sommets au fil des quatre mouvements de l’œuvre cosmique. Auparavant, cette netteté avait caractérisé avec plus ou moins de sensibilité l’éclairage donné à la Symphonie n° 2 de Beethoven, la moins donnée des neuf.
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris
Le 17/04/2018
Claude HELLEU
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Complicité artistique
Sombre Volga
Hommage au réalisme poétique
[ Tous les concerts ]
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Immobilité lumineuse des premiers instants de la Première Symphonie de Gustav Mahler. Chant calme des clarinettes, voix tranquilles des violoncelles, la nature s’éveille sous un beau soleil. Il ne porte pas encore d’ombre sur ce qu’il éclaire. Au fil de sa montée, il cisèle l’engagement des sonorités. Les phrasés clairs et habités de silences abrupts donnent tout à entendre de la fascinante orchestration, fanfares de trompettes éclatantes. À la direction d’Esa-Pekka Salonen, le Philharmonia Orchestra répond avec la même et remarquable précision. Lent, traînant, toujours très modéré, ce premier mouvement nous capte dans son climat enchanteur.
Le Ländler enchaîne ses humeurs contradictoires avec cette infaillible rigueur qui sous-tend la sobre mais dense expressivité émanée de la battue du chef. Autorité et sensualité s’accouplent parfaitement. Rythmes aux détachements percutants, silences fabuleux, provocation volontairement vulgaire des trompettes, une exigence féroce mène la danse, populaire, jubilatoire ou macabre, toujours décidée, ses moments d’ironie ébarbés de toute exagération.
Et la contrebasse solo entre en scène. Émotion rare et mystérieuse. Elle se densifie sur des timbales haletantes, monte, lancinante, avec les autres cordes, se pare en même temps d’une sorte de désinvolture interrogative. Suspense, rafale, complicité transparente de tous les pupitres, avancée poignante de la marche funèbre vers l’humour salvateur, netteté des parodies.
Aux évocations lugubres se mêle un fatalisme joyeux. Imbrications limpides des contradictions fascinantes. Hautbois et clarinettes sobrement éloquents, tenue des violons, présence des altos exacerbent la polyphonie du style au-delà de tout lyrisme expressionniste. La concision de Salonen et du Philharmonia, remarquable depuis les premières mesures, transcendent le Solennel et mesuré, sans traîner indiqué par Mahler, de ce troublant mouvement.
Réaction du Finale. Déchaînement combattif. Violence extrême. Phrasés cinglés sans rémission. Pause méditative, intelligence de la pensée face à l’angoisse. Force intérieure explosive. Véhémence aux dissonances éruptives. Quintessence de cette concentration passionnée, tellurique et cosmique, l’absolu appréhendé donne le vertige… Conclusion triomphale… Qui soulève le public dans une ovation explosive après le silence de son écoute.
En première partie de ce concert, les accords omniprésents de la Symphonie n° 2 de Beethoven soulignent une jeunesse plus ou moins appréciée des admirateurs de sa maturité. Même si la délicatesse des bois du Philharmonia aère les tutti énergiques de l’Adagio molto – Allegro con brio, ceux-ci pèsent leur poids d’accents guerriers. Esa-Pekka Salonen en mène la charge de sa battue sans complaisance, qui respecte le calme du Larghetto, pur et candide d’après Berlioz. Il bénéficie de la sensibilité homogène des cordes avant un Scherzo qu’éclairent des échanges répétitifs entre bois et cordes. Ils se poursuivent dans un Allegro molto final jubilatoire mais aussi tissé de déchirures où le tempérament du compositeur se révèle sous le tempo toujours résolu.
En 1804, la critique s’extasiait sur « l’œuvre singulière, colossale, d’une profondeur qui préfigure toute l’œuvre symphonique de la génération à venir. » En ouverture du concert, en ré majeur comme la Titan de Mahler, son choix illustre l’évolution annoncée.
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris Le 17/04/2018 Claude HELLEU |
| Concert du Philharmonia Orchestra sous la direction d’Esa-Pekka Salonen au Théâtre des Champs-Élysées, Paris. | Ludwig van Beethoven (1770-1827)
Symphonie n° 2 en ré majeur op. 36
Gustav Mahler (1860-1911)
Symphonie n° 1 en ré majeur « Titan »
Philharmonia Orchestra
direction : Esa-Pekka Salonen | |
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