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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Concert de l’Ensemble intercontemporain sous la direction de Péter Eötvös à la Cité de la Musique, Paris.
Pierres du temps
Dans la grande salle de la Cité de la musique, devant l’Ensemble intercontemporain pour une création de Bruno Mantovani avant de reprendre l’une de ses propres compositions, Péter Eötvös offre surtout par sa battue d’une grande précision le geste technique idéal pour développer en seconde partie Dérive 2 de Pierre Boulez.
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Péter Eötvös entre en scène devant une vingtaine de musiciens de l’Ensemble intercontemporain, divisé en deux groupes, chacun composé d’une flûte, une clarinette, un basson, un cor, un trombone, un violon, un alto, un violoncelle et un matériel de percussions, auxquels s’ajoutent à cour une contrebasse et une harpe et à jardin un violon supplémentaire et un piano.
Au centre de cette formation s’intègrent trois groupes de percussions, les peaux à cour, un marimba au centre et les métaux à jardin, dont seul le percussionniste Gilles Durot se servira en se déplaçant sur la scène pendant les vingt minutes que dure la création Cadenza n° 1 de Bruno Mantovani. Le compositeur, lui-même percussionniste de formation, offre alors à son œuvre des phases de latence sur métaux ou marimba, accompagnés de sonorités claires ou de trilles distants aux cordes, alternées de phases plus dynamiques, surtout aux peaux, pour lesquelles l’écriture n’est pas sans rappeler celle d’un Xenakis.
La performance de l’Ensemble intercontemporain montre avec quelle évidence cette formation aborde encore et toujours la musique d’aujourd’hui, jusqu’aux deux percussionnistes relégués au fond de la scène, qui pourraient assurément si besoin prendre la place de Gilles Durot, dévolu ce soir au rôle de soliste et particulièrement remarquable lors de sa prestation, notamment dans la longue partie de marimba juste avant la conclusion.
Le plateau est ensuite agencé pour Steine, dédicacé à Pierre Boulez mais créé par Eötvös lui-même en 1990 à Francfort avec l’Ensemble Modern. Le compositeur, également chef d’orchestre, que Paris aura le plaisir de retrouver la saison prochaine en tournée avec le London Symphony Orchestra, redonne cette pièce qu’il avait jouée au Studio 104 en 2014, déjà avec l’Ensemble intercontemporain.
En plus d’utiliser toutes les possibilités des instruments à cordes, bois et percussions demandés par la partition, l’œuvre utilise des pierres, qui dans la main de chaque musicien et du chef servent notamment, selon Eötvös, à aiguiser l’écoute. Au milieu de l’œuvre, le chef montre du doigt successivement des instrumentistes ou des groupes d’instrumentistes afin de leur faire s’entrechoquer les pierres, soit d’un coup net, soit par de nombreux petits à -coups. La liberté laissée au chef pour choisir qui doit taper lors de ce passage permet un nombre infini de combinaisons, chacune différente d’un soir à l’autre.
Puis le temps revient à Pierre Boulez, avec un ouvrage dédicacé à Elliott Carter pour ses 80 ans. Dérive 2 suit dans la composition la première Dérive et développe les idées de Carter et plus encore de Ligeti sur le problème du temps musical et des périodicités. Alors que la première pièce ne dure que quelques minutes et ne sollicite que six musiciens, Dérive 2 nécessite plus de trois quarts d’heure et onze instrumentistes, qui reprennent cette œuvre créée en 2006 à Aix-en-Provence par ce même ensemble, alors sous la direction du compositeur.
Le geste précis mais jamais trop net ni trop droit de Péter Eötvös lance le cor bouché sur une longue note, qui réapparaîtra au milieu de l’œuvre ainsi qu’à sa conclusion. Puis l’ensemble de musiciens, dont les superbes clarinette et cor anglais, ainsi que le vibraphone, le marimba et le piano jamais trop présents, ajoute par strates successives différents tempi, de plus en plus rapide à mesure qu’avance l’œuvre, jusqu’à l’intervention précise du cor sur la note initiale pour inverser la tendance. Plus rapide que Boulez mais tout aussi attentif, Eötvös porte l’ouvrage avec maîtrise et puissance jusqu’à son inéluctable fin.
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Cité de la Musique, Paris Le 25/04/2018 Vincent GUILLEMIN |
| Concert de l’Ensemble intercontemporain sous la direction de Péter Eötvös à la Cité de la Musique, Paris. | Bruno Mantovani (*1974)
Cadenza n° 1 pour percussion et ensemble
Création mondiale
Gilles Durot, percussions
Péter Eötvös (*1944)
Steine, pour ensemble
Pierre Boulez (1925-2016)
DĂ©rive 2, pour onze instruments
Ensemble intercontemporain
direction : Péter Eötvös | |
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