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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production de l’Ange de feu de Prokofiev dans une mise en scène de Mariusz Treliński et sous la direction de Kazushi Ono au festival d'Aix-en-Provence 2018.
Aix 2018 (2) :
Un Ange sous acide
Jamais reprĂ©sentĂ© du vivant de Prokofiev, l'Ange de feu connaĂ®t ses dernières annĂ©es un succès inattendu. Barrie Kosky Ă Berlin, Calixto Bieito Ă Zurich et surtout Benedict Andrews Ă Lyon, avaient placĂ© la barre très haut. MalgrĂ© d'Ă©videntes qualitĂ©s, il n'est pas certain que la production de Mariusz Treliński atteigne de tels sommets.
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Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence
Le 13/07/2018
David VERDIER
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Par le jeu obsessionnel des citations cinématographiques, le directeur du Teatr Wielki de Varsovie semble marcher sur les brisées d'un certain Krzysztof Warlikowski mais sans une la maestria qui en ferait oublier l'aspect répétitif et accumulatif, comme c'était déjà le cas dans son Tristan à Baden Baden. Son travail transforme l'univers gothique du roman de Valéri Brioussov en un kaléidoscope de scènes psychédéliques qui finissent par confondre dans une vision à sens unique les visions mystiques en hallucinations sous acide.
Cette clĂ© de lecture justifie la modification faisant du V un retour rĂ©trospectif sur la vie de Renata après qu'elle s’est suicidĂ©e Ă la fin du IV. Les personnages errent dans un monde intermĂ©diaire que le dĂ©cor de Boris Kudlička magnifie avec cette vue en coupe et ce jeu de superpositions qui multiplie le rapport espace-temps. D'autres Ă©lĂ©ments paraĂ®tront moins pertinents, Ă commencer par l'insistance de la figure de l'Inquisiteur en aveugle en costume blanc ou les interventions de Jakob Glock en dealer Ă capuche, qui vient directement piquer les avant-bras de ses clients. Vision fantasmĂ©e ou rĂ©elle ?
La trame narrative déroule ses tableaux à la manière d'un David Lynch dans Twin Peaks ou Roman Polanski dans Répulsion. La scène de Ruprecht avec le magicien Agrippa est réglée de main de maître avec la chorégraphie hallucinée de Tomasz Wygoda qui conjugue les jeunes adolescentes du pensionnat avec d'étranges démons barbus façon Raspoutine. Si la spirale d'images giratoire peut d'une certaine manière impressionner, sa récurrence finit par engloutir le regard dans un continuum stroboscopé qui laisse l'émotion sur le bas-côté. Barrie Kosky et surtout Benedict Andrews parvenaient à créer une montée vers un point d'orgue culminant, bien absent ici.
Les voix sont victimes d'un Ă©tonnant dĂ©faut acoustique, liĂ© Ă la conjonction entre la verticalitĂ© du dĂ©cor et les caractĂ©ristiques propres au Grand Théâtre de Provence. En tĂ©moigne la projection très en deçà d'Aušrinė Stundytė qui peut surprendre quand on fait rĂ©fĂ©rence aux deux productions citĂ©es plus haut. La voix semble atone et sans relief, comme tenue Ă distance derrière un opulent rideau orchestral. Les aigus sont dardĂ©s mollement, soutenus par un vibrato Ă la fois terne et sans vigueur.
DĂ©ception Ă©galement pour le Ruprecht de Scott Hendricks, incapable de rendre au personnage une forme de dĂ©sĂ©quilibre et de fragilitĂ©. Tour Ă tour Faust, Heinrich et Inquisiteur, Krzysztof Bączyk dĂ©ploie son timbre sombre sans rĂ©ussir Ă Ă©galer les aspĂ©ritĂ©s de l'Agrippa et du MĂ©phistophĂ©lès d'AndreĂŻ Popov. On notera la qualitĂ© de Pavlo Tolstoy en Jakob Glock et l'opulence des graves d’Agnieszka Rehlis tour Ă tour sorcière et mère supĂ©rieure. Kazushi Ono confirme les belles impressions de son Ange de feu donnĂ© Ă l'OpĂ©ra de Lyon en 2016. Il porte l'Orchestre de Paris Ă un degrĂ© d'Ă©bullition parfaitement maĂ®trisĂ© et volontaire, Ă©crin idĂ©al pour une musique qui Ă©chappe Ă toute catĂ©gorisation.
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Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence Le 13/07/2018 David VERDIER |
| Nouvelle production de l’Ange de feu de Prokofiev dans une mise en scène de Mariusz Treliński et sous la direction de Kazushi Ono au festival d'Aix-en-Provence 2018. | Sergei Prokofiev (1891-1953)
L’Ange de feu, opéra en cinq actes op. 37 (1927)
Livret du compositeur d’après le roman de Valery Brioussov
Coproduction avec le Teatr Wielki de Varsovie et l’Opéra national de Norvège
Chœur de l’Opéra de Varsovie
Orchestre de Paris
direction : Kazushi Ono
mise en scène : Mariusz Treliński
dĂ©cors : Boris Kudlička
costumes : Kaspar Glarner
Ă©clairages : Felice Ross
chorégraphie : Tomasz Wygoda
préparation des chœurs : Philip White
vidéo : Bartek Macias
Avec :
Scott Hendricks (Ruprecht), Aušrinė Stundytė (Renata), Margarita Nekrasova (l’HĂ´tesse), Agnieszka Rehlis (la Voyante / la Mère supĂ©rieure), Pavlo Tolstoy (Jakob Glock, le MĂ©decin), AndreĂŻ Popov (Agrippa von Nettesheim / MĂ©phistophĂ©lès), Taras Shtonda (Faust), Ivan Thirion (Serviteur / l’Aubergiste), Krzysztof Bączyk (Inquisiteur / Heinrich), Lukazs Goliński (Mathias Weissman), Bernadetta Grabias (la patronne de l'auberge), Bożena Bujnicka (première religieuse), Maria Stasiak (seconde religieuse). | |
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