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CRITIQUES DE CONCERTS |
30 décembre 2024 |
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Journées Claude Le Jeune à Chambord
Claude Le Jeune danse avec les mots
Avec des journées nationales et un colloque, Chambord célèbre cette année un compositeur essentiel mais oublié depuis 400 ans : Claude Le Jeune. Une célébration pourtant méritée car on lui doit un travail capital sur l'expression et la métrique du chant, lequel déboucha tout droit vers la naissance de l'opéra.
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Bons baisers d’Eltsine
Chambre déséquilibrée
Régal ramiste
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Collaborant activement avec l'Académie de Poésie et de Musique fondée par de Baïf, le travail de Le Jeune est contemporain, à quelques années près, de la réforme des Académies florentines qui inventaient alors le drame lyrique ou les prémisses de l'opéra en rendant la musique au pouvoir du mot. À sa façon également, Claude Le Jeune, humaniste et prosodiste passionné par le retour au vers mesuré à l'Antique, fut un passeur entre deux mondes : la Renaissance et le Baroque. Plus simplement, il fut le plus grand musicien français – avec Eustache Du Caurroy – de la seconde moitié du XVIe siècle.
C'est d'abord dans le domaine de la musique profane (un recueil comme le Printans) que Le Jeune a joué un rôle de novateur. On lui doit en effet l'introduction d'un rythme syllabique opposant en permanence valeurs longues et brèves. Improbable ou farfelue dans la conversation, cette métrique procure à la musique du dynamisme et un caractère immédiatement dansant. Mais cet aspect ne doit pas occulter l'engagement du protestant, ardent défenseur de la "Religion" (comme disait l'époque) et du Psautier huguenot de Genève, ni -plus inattendue- la science du polyphoniste écrivant Messes et Motets latins dans le cadre de la liturgie romaine.
Précisément, c'est cette dimension "catholique" que présentait l'Ensemble Jacques Moderne du Centre de Musique Ancienne de Tours, responsable de la commémoration. Un ensemble confié à la direction fervente de Joël Suhubiette, mais dont on dira que l'interprétation était entachée d'approximations parfois éprouvantes pour une oreille exigeante (en particulier, le soliste à qui étaient dévolues les intonations en plain-chant devra réviser sa copie avant peu). Reste que ces restrictions sont à relativiser, face au choc de la révélation apportée par quelques joyaux, tel le motet pénitentiel Emendemus in melius, au dolorisme rehaussé d'harmonies vrillantes où le contrapuntiste Le Jeune domine son sujet en maître. Assurément, l'égal des plus grands, dans le voisinage d'un Byrd ou d'un Lassus, et à l'affût des nouveautés expressives à venir.
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Château de, Chambord Le 20/10/2000 Roger TELLART |
| Journées Claude Le Jeune à Chambord | Claude Le Jeune : Motets latins et Messe Ad Placitum
Ensemble Jacques Moderne du Centre de Musique Ancienne de Tours
Joël Suhubiette, direction | |
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