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CRITIQUES DE CONCERTS |
31 octobre 2024 |
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Concert des Wiener Philharmoniker sous la direction de Valery Gergiev, avec la participation du pianiste Denis Matsuev au Théâtre des Champs-Élysées, Paris.
Colossal combo
Plutôt que l’habituel couplage Troisième Concerto-Cinquième Symphonie, Valery Gergiev, pour ce concert du Philharmonique de Vienne au Théâtre des Champs-Élysées, avait choisi l’attelage beaucoup plus exigeant du Deuxième Concerto avec la Sixième Symphonie de Prokofiev. Une soirée soviétique de poids, avec un Denis Matsuev colossal au piano.
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Le public du TCE a de la chance : ce concert du Philharmonique de Vienne n’est pas le fruit d’une tournée européenne mais la seule reprise d’un exigeant concert d’abonnement donné au Musikverein, garantie en général d’une préparation optimale pas toujours évidente dans les déplacements classiques. D’où sans doute aussi un programme moins facile, non seulement uniquement dévolu à Prokofiev, mais avec un couplage ardu Concerto pour piano n° 2-Symphonie n° 6 plutôt que l’habituel combo Concerto n° 3-Symphonie n° 5.
Pour une meilleure digestion, la soirée débute par quatre extraits de Roméo et Juliette emmenés par un Gergiev des grands soirs, fauve, empoignant la musique avec une énergie farouche, et des Wiener impressionnants par le ferme legato de leurs cordes et des cuivres rougeoyants. Montaigus et Capulets aux accents très ancrés, Juliette jeune fille et ses doubles croches bondissantes de fraîcheur, la marche ironique débordante de petite percussion de Masques et Roméo sur la tombe de Juliette forment ce petit quart d’heure d’un ballet dont on eût aimé entendre de plus larges extraits devant l’excellente forme d’un orchestre pas toujours aussi affûté hors de ses frontières et d’un chef à son meilleur.
Pourtant, c’est avec quelques fourmis dans les jambes que l’on suit les méandres de la Symphonie n° 6 du compositeur soviétique, partition de 1947 que son créateur, Evgeni Mravinski, dirigeait en presque dix minutes de moins qu’un Gergiev en quête de climats moins tirés au cordeau et aiguisés que son illustre compatriote, au risque de perdre légèrement le fil dans le développement d’un premier mouvement où le thème principal aux violons en sourdine se rattache à la Russie éternelle, comme du Tchaïkovski qui aurait fermenté, et dans un Largo parfois laborieux.
Mais le Vivace, sorte de nouveau Finale de Cinquième Symphonie en plus agité encore, fait feu de tout bois, laissant crépiter chaque pupitre avec une soif d’énergie qui traversait avant l’entracte le Deuxième Concerto pour piano tout entier. Partition expérimentale de 1913, donnée depuis dans la mouture révisée de 1923, son exécution relève d’un tour de force tant l’endurance et la virtuosité du soliste y sont soumises à rude épreuve.
En elle-même, la fracassante cadence du piano qui occupe la moitié du premier mouvement – surtout rejointe par un orchestre titanesque comme ce soir à son sommet – demande déjà des moyens exceptionnels qui sont ceux de Denis Matsuev, grand et massif gaillard aux doigts d’airain beaucoup plus adaptés au son puissant et large de Prokofiev qu’aux frappes plus chirurgicales de Chostakovitch, et qui charge ici son Steinway d’assauts ne faisant pourtant jamais crier les aigus de sa table d’harmonie.
La course à l’abîme façon toccata du Scherzo, la virile avancée de l’Intermezzo de ce concerto en quatre mouvements, précèdent un Allegro tempestoso endiablé, chef et orchestre au diapason dans cette folle chevauchée moderniste, les Wiener extraordinairement calés sur les phrasés, la rythmique imperturbable et les inflexions d’un pianiste déchaîné. Grande soirée d’orchestre ponctuée par deux bis, au clavier une mélancolique Étude-Tableau op. 39 n° 2 de Rachmaninov, puis en fin de concert à l’orchestre le Panorama de la Belle au bois dormant de Tchaïkovski, lentissime, aux violons d’un soyeux lié infini et aux violoncelles déchirants.
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Théâtre des Champs-Élysées, Paris Le 09/10/2018 Yannick MILLON |
| Concert des Wiener Philharmoniker sous la direction de Valery Gergiev, avec la participation du pianiste Denis Matsuev au Théâtre des Champs-Élysées, Paris. | Sergei Prokofiev (1891-1953)
4 extraits de Roméo et Juliette
Concerto pour piano n° 2 en sol mineur op. 16
Denis Matsuev, piano
Symphonie n° 6 op. 111
Wiener Philharmoniker
direction : Valery Gergiev | |
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