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CRITIQUES DE CONCERTS |
31 octobre 2024 |
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Nouvelle production de Donnerstag auf Licht de Stockhausen dans une mise en scène de Benjamin Lazar et sous la direction de Maxime Pascal à l'Opéra Comique, Paris.
Lucifer mène la danse
L'Opéra Comique inaugure avec Donnerstag aus Licht l'intégrale du cycle d'opéras imaginé par Karlheinz Stockhausen entre 1978 et 2003. Maxime Pascal et Benjamin Lazar sont les maîtres d'œuvre d'un projet qui se conclura en 2024 à raison d'un opéra par an et dont on souhaite qu'ils s'inscrivent dans les pas de cette première étape très prometteuse.
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La salle Favart entretient avec Stockhausen et son cycle monumental Licht, un rapport particulier, depuis la création en 1979 de Der Jahreslauf extrait de l'opéra Dienstag. Conçu en sept volets correspondant chacun à un jour de la semaine, ce corpus tient par ses dimensions à la fois du tératologique que du tétralogique : près de 200 personnes sur scène, 15 solistes, trois orchestres et un chœur. Pour la première fois depuis sa création à la Scala de Milan en 1981, Donnerstag est donné indépendamment de la famille Stockhausen qui gardait jusqu’à présent la mainmise sur ses productions.
Le compositeur a contribué à révolutionner le langage musical par une écriture qui touche à des paramètres aussi différents que la spatialisation (Carré, Gruppen), la lutherie électronique (Gesang der Jünglinge) ou le croisement de l'espace et du temps. Il faut accepter de regarder au-delà d'un contenu déjanté délicieusement New Age pour voir ce que Licht ambitionne, comme l'exploration du théâtre musical où l'instrumentiste a la possibilité de jouer la comédie – ce que la mise en scène de Benjamin Lazar rend avec un brio de belle facture, au prix de quelques effets de manches qui émaillent l'entreprise sans jamais la déséquilibrer.
La première partie de Donnerstag aus Licht présente plusieurs éléments autobiographiques comme le destin tragique de ses parents que la mise en scène présente sous des atours quasi naturalistes qui tranchent avec les deux autres parties de l'opéra. Le personnage de l'ange Michael se signale par un accessoire (la trompette) et des origines (l'étoile Sirius) qui font de lui comme un double fantasmé du compositeur. Dédié à son fils Markus, lui-même trompettiste, la partition évoque l'enfance puis l'incarnation de Michael, ainsi que son voyage autour de la Terre, à la rencontre des hommes de toutes les cultures. L'écriture foisonne d'allusion au théâtre Nô japonais, la tradition africaine, la danse classique, le flamenco, le jazz, la musique électronique. Les références y sont, non pas superposées mais assimilées au sein d'un langage musical qui touche à l'art universel.
L'espace de Favart se mue en un lieu sonore inédit où il s'agit de réinventer une manière d'écouter la musique, ponctuée par le salut et les adieux de l'Ange – donnés sur le parvis, place Boieldieu, jusqu'aux variations qui jouent sur une utilisation très virtuose de la scène et des balcons. Les éclairages dessinent des constellations, les lasers multicolores traversent la salle et multiplient les formes croisées qui accompagnent le discours de Michael. La pulsation de la danse environne la trompette solo (Henri Deléger), dont les gestes virtuoses soulignent le phrasé et les lignes.
Des deux figures vocales de Michael, notre préférence va à Safir Behloul qui rend avec justesse l'évanescence d'un personnage aux prises avec un Luzifer abyssal (Damien Pass), portant le monde sur ses épaules tel un Atlas négatif. Cette alternance de chant, danse et instrument sert de motif aux personnages et il n’est pas rare de les voir s'affronter sur la même scène, dans le même espace. Le cor de basset (Iris Zerdoud) donne à Eva une cohérence que reflètent également les voix de Léa Trommenschlager (Eva, acte I) et Elise Chauvin (Eva, acte II). Elles rejoignent les voix masculines, tandis que les batailles de cuivres font pépier des clarinettes en paire d'hirondelles-clowns, piaffer des trombones explosifs et que résonnent les derniers mots qui sonnent comme une prédiction mystérieuse : « Je me suis pris d'un amour immortel pour les hommes, pour cette terre et ses enfants – malgré LUCIFER – malgré Satan – malgré tout… »
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Opéra Comique - Salle Favart, Paris Le 15/11/2018 David VERDIER |
| Nouvelle production de Donnerstag auf Licht de Stockhausen dans une mise en scène de Benjamin Lazar et sous la direction de Maxime Pascal à l'Opéra Comique, Paris. | Karlheinz Stockhausen (1928-2007)
Donnerstag auf Licht (1981)
Le Balcon, Orchestre Ă cordes du CRR de Paris, Orchestre Impromptu
Jeune chœur de paris
Orchestre Acte III Orchestre Ă cordes du Conservatoire Ă Rayonnement RĂ©gional de Paris
Orchestre du "Gruss" Orchestre Impromptu
direction : Maxime Pascal
mise en scène : Benjamin Lazar
décors et costumes : Adeline Caron
Ă©clairages : Christophe Naillet
Avec :
Damien Bigourdan (Michael acte I), Safir Behloul (Michael acte III), Henri Deléger (Michael trompette), Emmanuelle Grach (Michael danseur), Léa Trommenschlager (Eva acte I), Elise Chauvin (Eva acte III), Iris Zerdoud (Eva cor de basset), Suzanne Meyer (Eva danseuse), Damien Pass (Luzifer basse), Mathieu Adam (Luzifer trombone), Jamil Attar (Luzifer danseur), Alphonse Cemin (Pianiste accompagnateur de Michael), Alice Caubit, Ghislain Roffat (Paire d'hirondelles-clowns, clarinettes), Eléonore Brundell, Darius Moglia (Deux jeunes, saxophones), Bernadette Le Saché (Une vieille dame), Antoine Amariutei (Messager). | |
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