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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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La Création de Haydn avec l'Orchestre Royal du Concertgebouw d'Amsterdam dirigé Nikolaus Harnoncourt.
La Création sous
l'empire de la Raison
© Warner Classics
Les passages de Nikolaus Harnoncourt à Paris sont trop rares pour que l'on ne puisse les qualifier "d'événements". Ici, c'était d'ailleurs à double titre, puisque le maestro viennois avait décidé de revisiter La Création, une oeuvre déjà abordée il y a longtemps mais dont le disque a gardé un souvenir un peu brouillon.
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En règle générale, Nikolaus Harnoncourt est plutôt du genre à cogner d'abord et à s'expliquer ensuite. Mais il est tout sauf une de ces brutes épaisses dont la baguette accuse le poids d'une massue, ou de tout autre instrument à contonder les oreilles. Il aurait au contraire la frappe plutôt chirurgicale : une science accomplie pour trouver le plexus solaire de chaque tympan, et lui asséner derechef un atémi foudroyant. Si la musique était un art martial, Harnoncourt serait assurément ceinture noire : son premier coup fait perdre l'équilibre, et avec les suivants, il fait de l'auditeur son jouet. Mais si ce diable viennois sait frapper aussi fort et violent que possible, il ne perd jamais sa cohésion, ni ne désunit ses forces. Des forces justement, il n'en manquait pas avec l'orchestre du Concertgebouw d'Amsterdam appuyé du choeur Arnold Schœnberg au grand complet. On pouvait donc s'attendre à une Création du feu de Dieu.
Dès l'ouverture le démiurge à l'orchestre instaure une tension palpable, laquelle débouche sur une brève et intense explosion, ça s'annonce bien. Le Concertgebouw est tenu comme jamais, et même si la couleur du choeur Schœnberg est un peu fruste, on lui devine assez d'énergie pour bâtir plusieurs mondes avec des sons. De son côté, Harnoncourt sculpte une articulation au ciseau, anguleuse et tranchante par tous les bords. Il contient ses pupitres dans des pianos à oublier de respirer et instaure un climat de tension permanente, quasi "suspense" au sens cinématographique. Mais on se rend compte rapidement qu'il n'y aura pas de morts. Seulement de la contention. Car Harnoncourt ne lâche jamais la bride, au contraire, il la serre de plus en plus. Les rythmes sont inventifs mais toujours retenus, les effets surprenants mais sans suite (un contrebasson extra-terrestre, des cors du jugement dernier). Sa Création sourd, gronde, bouillonnne, couve, pousse, presse, s'élargit, monte mais ne jaillit jamais franchement. Une sorte de figure du Kama Sutra pour Orchestre ? En tout cas, elle virera pour beaucoup au supplice Chinois.
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Pourtant, Harnoncourt a réussi un vrai prodige car son interprétation reflète comme un miroir toute l'ambiguïté de cette Création que l'on doit ranger dans le riche catalogue des oeuvres maçonniques. Le librettiste Van Swieten est en effet un maçon notoire, et il y a peu de doutes qu'il ait rallié Haydn – comme Mozart d'ailleurs- à ses idées. Or, tout au long du XVIIIe, la maçonnerie n'a jamais cherché à s'opposer aux croyances de l'Église mais au contraire à les moderniser. En accord avec l'esprit des Lumières, elle aurait tendance à considérer la croyance en Dieu non pas en tant que vérité révélée, mais comme une pure nécessité de la Raison. C'est exactement ce que fut la Création d'Harnoncourt ; et comme de juste, on en est ressorti probablement plus intelligent, mais pas exactement comblé.
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Théatre du Châtelet, Paris Le 24/10/2000 Eric SEBBAG |
| La Création de Haydn avec l'Orchestre Royal du Concertgebouw d'Amsterdam dirigé Nikolaus Harnoncourt. | Cycle Orchestres du monde
La Création (Die Schöpfung) de Joseph Haydn
Orchestre Royal du Concertgebouw d'Amsterdam
Choeur Arnold Schoenberg de Vienne
Erwin Ortner, chef de choeur
Nikolaus Harnoncourt, direction
Avec Dorothea Röschmann (soprano), Kurt Streit (ténor), Anthony Michaels-Moore (baryton).
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