|
|
CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
|
Nouvelle production de Rodelinda de Haendel dans une mise en scène de Claus Guth et sous la direction Stefano Montanari à l'Opéra de Lyon.
Songes et mensonges
Après Jean Bellorini à l'Opéra de Lille en début d'année, voici la Rodelinda de Claus Guth à l'Opéra de Lyon, sous les meilleurs auspices tant du côté de la régie qu'en ce qui concerne le plateau. La direction est confiée au stupéfiant Stefano Montanari, qui donne à Haendel une pulsation et une énergie remarquables.
|
|
Bons baisers d’Eltsine
RĂ©gal ramiste
L'Étrange Noël de Mrs Cendrillon
[ Tous les concerts ]
|
Une même idée relie et sépare les productions de Jean Bellorini à l'Opéra de Lille et Claus Guth à l'Opéra de Lyon, celle d'amplifier la place accordée à Flavio fils de Rodelinda, la Reine de Lombardie. Issu de son mariage avec Bertarido, en fuite et déclaré mort, l'enfant devient rapidement l'objet d'un chantage politique. Sa mère explique à Grimoaldo qui souhaite l'épouser qu'elle cèdera à condition qu'il tue le jeune successeur au trône. La tactique aura pour résultat de provoquer son lot de quiproquos et d'effrois, tandis que l'intrigue s'achemine tranquillement vers un lieto fine qui verra le retour de Bertarido et le pardon général.
Claus Guth choisit de montrer l'histoire à travers le regard de l'enfant (joué par l'acteur Fabián Augusto Gómez Bohórquez), en y ajoutant une dimension fantastique dans la mesure où il l'imagine commentant les péripéties par des dessins sur un carnet qui fait office de journal intime. Les êtres terrifiants prennent forme et s'invitent sur scène pour le menacer directement tout en restant invisibles aux yeux des adultes.
Le décor de Christian Schmidt est le second élément majeur de la soirée. Entre manoir hitchcockien et maison de poupée, il pivote et montre tantôt une façade austère, tantôt un intérieur vu en coupe et dont la communication entre les deux niveaux permet de présenter de beaux effets de miroirs entre les scènes jouées à l'étage supérieur ou au rez-de-chaussée.
Le rôle de Rodelinda est confié à la soprano espagnole Sabine Puértolas, dont la voix aura besoin de véritablement entrer dans le vif de la matière avant de déployer toutes ses qualités en termes de couleurs et précision (Ritorna, o caro e dolce mio tesoro). Le rôle de Bertarido est chanté par Lawrence Zazzo, en alternance avec Xavier Sabata. Le contreténor joue souvent avec le feu quand il s'agit de faire exploser avec brio des traits plus que virtuoses (Con rauco mormorio). La ligne de chant gagne en expressivité dans les duos et les moments de grâce (Io t’abbraccio).
Avery Amereau réussit à imposer dans Eduige des qualités qu'elle peinait à dominer dans la production lilloise, notamment dans l'incontournable De’ miei scherni, chanté ici avec une justesse d'expression et de sentiment. Si Krystian Adam n'a peut-être pas la dualité du caractère vocal qui signe un grand Grimoaldo, il sait démontrer – théâtralement parlant – l'évolution du personnage, du statut de tyran à celui d'ami et amant.
On saluera la prestation de Jean Sébastien Bou, impayable dans le rôle du méchant Garibaldo qui traîne sa patte folle, arborant un bandeau sur l'œil qui rehausse son air farouche. Vocalement, il n'efface pas totalement le souvenir d'Andrea Mastroni, notamment dans le redoutable Tirannia gli diede il regno. Même constat pour Christopher Ainslie, Unulfo assez banal de ton et de couleur.
Stefano Montanari fait des étincelles dans la fosse, invitant l'orchestre de l'Opéra de Lyon à se plier à des expressions et un style inédits. N'hésitant pas à accélérer dans les reprises, il réussit la prouesse de ne jamais mettre en difficulté un plateau, en donnant la primeur à une vision à la fois engagée et roborative qui fait de cet opera seria une véritable fête de tous les instants.
| | |
| | |
|