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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Concert des Berliner Philharmoniker sous la direction de Yannick NĂ©zet-SĂ©guin Ă la Philharmonie de Paris.
Des Berliner Ă bloc
Après une lecture maniériste et saturée de cordes dans La Mer de Debussy, Yannick Nézet-Séguin et des Berliner à leur acmé d’impact et de grisante virtuosité font feu de tout bois dans une Cinquième Symphonie de Prokofiev en véritable tsunami, dont on ressort étourdi et reconnaissant envers le chef canadien d’abandonner l’idée d’un bis.
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Doté d’un conséquent capital sympathie et d’un enthousiasme contagieux, Yannick Nézet-Séguin prend un instant la parole au milieu d’applaudissements nourris pour saluer ses cousins français et signifier que malgré le bis prévu pour conclure ce programme assez court de classiques du XXe siècle, il serait incongru de poursuivre la frénésie de la Symphonie n° 5 de Prokofiev par quelque musique que ce soit. Dont acte.
Et pour cause, le jeune Québécois arborant de pétantes semelles rouges venait de mettre le feu à un ouvrage de guerre parmi les plus joués du grand répertoire du siècle dernier, où les Berliner, d’une force de frappe inouïe, avaient emporté tout sur leur passage, avec leurs cordes en acier trempé, substrat de l’ouvrage comme à l’époque romantique, principale source d’irrigation et de vie rythmique, chaque attaque magistralement assumée, le dernier rang d’altos aussi tendu et actif que le premier des violons.
Les passages motoriques de la partition jubilent sous cette approche énergique, nerveuse et non dénuée de joie dans un Scherzo comme à la parade, d’une veine chorégraphique proche de Roméo et Juliette, les contretemps des cordes merveilleusement pulsés et le chef à l’affût de la moindre cellule pouvant donner du mouvement à l’ensemble. Même constat dans le Finale, dont on admire plus la trajectoire fuselée globale que des solistes pourtant excellents mais fondus dans la masse.
Pour autant, l’Andante initial et l’Adagio, plus sombres, ne sont pas abordés à la légère, Nézet-Séguin brassant la pâte orchestrale dans toute sa densité et usant des blocs massifs du compositeur avec un dosage et un tempo toujours justes, dans l’architecture pourtant peu évidente du mouvement lent. Exécution instrumentale avant tout, sans guère d’arrière-plan programmatique, qu’on peut aussi trouver d’une certaine manière clinquante.
C’est qu’en première partie, on avait été considérablement moins séduit par une lecture de La Mer truffée de rubato, d’une houle à attaquer l’équilibre de l’oreille interne, et d’interventions solistes maniérées, au cœur d’une étendue de cordes engloutissant les vents, réduits au remplissage harmonique. Fatale erreur, qui nie la spécificité d’une partition demandant plus d’étagement et de respiration dans ses contrastes, nivelés ici par un océan de bronze, à la température de jacuzzi, nous privant des subtils dégradés, de la fraîcheur à la chaleur du zénith, dans De l’aube à midi sur la mer.
Surtout, avec une présence aussi prégnante du quatuor, on imaginait profiter jusqu’à l’enivrement, dans ce Debussy transpirant, des contrechants endiablés des violoncelles au sommet de Jeux de vagues. Ceux-ci resteront pourtant gentiment sous l’étouffoir de violons autocrates et d’une harmonie compacte jusqu’à l’indistinct. Le tout, il va sans dire, dans les sonorités musculeuses et implacables de Berliner Philharmoniker à bloc.
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Philharmonie, Paris Le 22/02/2019 Yannick MILLON |
| Concert des Berliner Philharmoniker sous la direction de Yannick NĂ©zet-SĂ©guin Ă la Philharmonie de Paris. | Claude Debussy (1862-1918)
La Mer
SergueĂŻ Prokofiev (1891-1953)
Symphonie n° 5 en sib majeur op. 100
Berliner Philharmoniker
direction : Yannick NĂ©zet-SĂ©guin | |
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