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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production de Medea de Reimann dans une mise en scène de Kay Link et sous la direction de Robert Jindra à l’Opéra de Essen.
L’Âge du désespoir
Créé en 2010 à Vienne, Medea de Reimann est repris dans une nouvelle production de Kay Link à l’Aalto Musiktheater d’Essen, avec la soprano entraînée au rôle-titre Claudia Barainsky, accompagnée d’une distribution solide dont ressortent le Jason de Sebastian Noack et le Héraut de Hagen Matzeit, sous la direction consciencieuse de Robert Jindra.
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Créé par Marlis Petersen il y a neuf ans, l’opéra de Reimann était coproduit avec l’Oper Frankfurt, qui l’a immédiatement remonté dans la même production d’Arturo Marco Marelli, avec dans le rôle-titre Claudia Barainsky. C’est elle, à nouveau entendue à la reprise de la production à Vienne en 2017, que l’on retrouve aujourd’hui à Essen.
Depuis ses dernières prestations, la voix de l’artiste, élève de Dietrich Fischer-Dieskau et Reimann, se montre moins claire et déraille deux fois, lorsqu’elle doit chercher des aigus stridents, pour porter tout le reste avec puissance et éclat, en plus de gérer les hauteurs de manière toujours impressionnante. D’aigus agiles, le Héraut de Hagen Matzeit se délecte, contre-ténor en possession également d’une véritable assise de médium, particulièrement impactant dans son intervention à la fin de la Partie I.
Marie-Helen Joël, de l’ensemble d’Essen, déploie avec Gora une superbe palette de graves dès sa première scène, pour toucher lors de son introduction solitaire de la Partie II. Liliana de Sousa trouve à l’inverse son aise dans une voix claire et légère pour Kreusa, quand Rainer Maria Röhr pour Kreon tient son rôle rigoureusement mais sans richesse. Le Jason de Sebastian Noack campe le rôle le plus dur après Medea et démontre sa capacité à modifier son chant pour s’adapter à l’écriture si typique d’Aribert Reimann pour la voix.
Le compositeur présent dans la salle est apparu en pleine forme pour introduire l’opéra une heure avant la représentation, et expliciter ce qui l’a fasciné dans la pièce de Grillparzer, tirée d’une trilogie pour laquelle il avait d’abord prévu de composer trois opéras. Kay Link crée autour de ce livret une mise en scène adaptée à l’action, sans masquer les emprunts à celle de Marelli. À la différence de la proposition de Benedict Andrews créée depuis à la Komische Oper, Kay Link revient à la demande initiale en séparant les deux mondes de Medea et de Jason par la hauteur.
Un bloc surélevé représente alors l’appartement et le monde civilisés des Grecs, et le sol celui de la harpie et de sa nourrice. Les costumes de Frank Albert démarquent également les deux peuples, les premiers en bleu, couleur noble et rassurante, quand la nourrice est en blanc cassé. À Medea revient l’ardente couleur rouge, de la robe aux cheveux, d’un roux de feu à l’image de celui qu’elle allume à la scène finale, par l’intermédiaire d’une vidéo en trompe-l’œil qui finit par brûler la maison de Jason.
En fosse, les Essener Philharmoniker ne dévoilent aucune faiblesse rythmique par rapport à la complexe partition, traitée avec application par Robert Jindra. Les sonorités sombres se démarquent du début de l’opéra, pour vingt dernières minutes particulièrement tendues en fin de Partie I. La seconde partie reprend moins concentrée, non dans la rigueur des tempi, mais dans le traitement moins compact des cordes, pour ne retrouver un climax qu’à la scène de désastre finale, alors que tout brûle pendant que les percussions explosent.
La salle, quasi complète pour cette première, comme les applaudissements chaleureux aux saluts, démontrent comme le public d’Essen est ouvert à la nouveauté, et rassure par rapport au parterre nettement moins rempli la veille à Stuttgart pour une nouvelle production d’un ouvrage de Henze.
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