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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production d’Otello de Verdi dans une mise en scène de Robert Wilson, sous la direction de Zubin Mehta au festival de Pâques de Baden-Baden 2019.
Froid et fascinant
Mise en scène typiquement wilsonienne pour cette nouvelle production d’Otello, tantôt mettant à nu l’émotion, tantôt manquant de chair et de mouvement. Marc Heller, maure tout d’une pièce, côtoie une douce Sonya Yoncheva magnifiant le rôle de Desdémone. Zubin Mehta, fatigué, sait cependant exhaler les splendeurs du Philharmonique de Berlin dans la fosse.
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Célèbre sinon célébrée, l’esthétique Bob Wilson est bien connue : dénuement, stylisation des décors et de la direction d’acteurs, importance des lumières. Si certaines œuvres passent bien à cette moulinette (Madame Butterfly, Pelléas), on peut avoir des réserves sur d’autres où la passion peut être à son paroxysme... comme Otello. Cette nouvelle production du chef-d’œuvre verdien ne déroge pas donc pas au système et on doit admettre que celui-ci suscite toujours autant de fascination pour la perfection de la réalisation et la maîtrise absolue d’éclairages faisant presque penser à James Turrell, qui créent indéniablement un univers.
Si certaines scènes intimes sont exaltées (notamment celle où Iago distille le doute à Otello, symbolisé par l’accumulation d’éléments architecturaux descendant des cintres, comme si le cerveau du Lion de Venise s’embrouillait), celles à grand spectacle ne fonctionnent pas toujours, à commencer par la tempête initiale, d’un statisme désespérant. Surtout, il manque de la chair à cette vision de papier glacé d’où se dégage une certaine froideur, et ce, malgré des éclairages très changeants. Le dernier acte est peut-être celui qui fonctionne le mieux, le statisme de l’action collant admirablement avec celui des personnages.
Cette esthétique un peu trop lisse sera-t-elle compensée par une direction musicale à la Toscanini ou à la Levine ? Hélas non. C’est un Zubin Mehta bien fatigué qui officie dans la fosse. La tempête qui ouvre la soirée n’est qu’une bruine inoffensive et les tempi parfois bien lents – le concertato du III se traîne particulièrement. Le chef indien sait par contre jouer de la présence du Philharmonique de Berlin et mettre en valeur ses admirables pupitres et solos, notamment chez les bois. La phrase des contrebasses accompagnant l’entrée d’Otello au dernier acte n’aura jamais sonné avec autant de splendeur et de terreur à la fois. C’est de l’or qui sort de cette fosse.
Pour cette dernière représentation du Festival de Pâques de Baden-Baden, Stuart Skelton, malade, a dû laisser sa place à Marc Heller, ténor américain dont on admire la manière dont il a su se fondre dans la mise en scène très millimétrée de Robert Wilson. La voix, barytonante, est très solide, puissante et affronte crânement toutes les difficultés du rôle. On pourrait cependant attendre un peu plus de subtilité dans une incarnation assez brute de décoffrage.
Le contraste avec la Desdémone de Sonya Yoncheva est patent tant la chanteuse fait montre de finesse et de douceur. Le chant est admirablement mené et magnifie un timbre somptueux. L’aigu se défile un peu en cette soirée, notamment celui, écourté, qui clôt l’Ave Maria, mais ce sont là vétilles face à la réussite du portrait que dresse la soprano, que l’on sait d’ailleurs dans l’attente d’un heureux événement.
Magnifique Iago de Vladimir Stoyanov, voix superbe à l’aigu glorieux, ligne impeccable, mais on peut souhaiter un personnage plus noir et sadique, ce Iago est presque trop bien chantant pour susciter l’antipathie. Le reste de la distribution va du très bon (superbe Cassio de Francesco Demuro) au plus contestable (une Emilia acide) tandis que les chœurs du Philharmonia Chor Wien sont absolument superbes, chœur local d’enfants inclus.
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Festpielhaus, Baden-Baden Le 22/04/2019 Pierre-Emmanuel LEPHAY |
| Nouvelle production d’Otello de Verdi dans une mise en scène de Robert Wilson, sous la direction de Zubin Mehta au festival de Pâques de Baden-Baden 2019. | Giuseppe Verdi (1813-1901)
Otello, opéra en quatre actes (1887)
Livret d’Arrigo Boito d’après la tragédie de Shakespeare
Kinderchor des Pädagogiums Baden-Baden
Philharmonia Chor Wien
Berliner Philharmoniker
direction : Zubin Mehta
mise en scène, décors, éclairages : Robert Wilson
costumes : Jacques Reynaud, Davide Boni
vidéo : Tomasz Jeziorski
préparation des chœurs : Walter Zeh
Avec :
Marc Heller (Otello), Sonya Yoncheva (Desdemona), Vladimir Stoyanov (Iago), Anna Malavasi (Emilia), Francesco Demuro (Cassio), Gregory Bonfatti (Roderigo), Federico Sacchi (Lodovico), Giovanni Furlanetto (Montano), Mathias Tönges (un héraut). | |
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