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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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War Requiem de Britten sous la direction de Daniel Harding Ă la Philharmonie de Paris.
Aux hommes de bonne volonté
Pour son avant-dernier programme en tant que directeur musical de l’Orchestre de Paris, avant une tournée européenne avec la même partition, Daniel Harding signe l’une des soirées les plus mémorables de son mandat dans un War Requiem de Britten porté de bout en bout par une ferveur inouïe et des solutions acoustiques taillées à merveille pour la Philharmonie de Paris.
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Quelques jours avant de tourner cette pièce maîtresse du répertoire sacred and profane du XXe siècle à Berlin, Hambourg, Munich, Linz et Vienne, Daniel Harding, qui ne dirigera plus qu’un programme en juin dans la même Philharmonie de Paris pour clore son (trop court) mandat de directeur musical de l’Orchestre de Paris, livre un War Requiem anthologique, dont chaque respiration, chaque ciselure, chaque trait sonore sont l’évidence même.
Avait-on d’ailleurs déjà entendu la Philharmonie aussi parfaitement calibrée pour un ouvrage, des masses déchaînées du grand orchestre aux interventions désertiques de l’orgue, de l’éventail dynamique des chœurs aux bouffées d’angélisme idéalement spatialisées des voix d’enfants ? En passant par l’éloquence de l’orchestre de chambre accompagnant les solistes masculins dans les poèmes déchirants de Wilfred Owen enserrés dans la structure liturgique de la Messe des morts, où Harding cherche ce soir la consolation, la lumière au bout du tunnel, avec une forme d’atavisme réservé aux seuls sujets de sa Majesté, dans la pompe si britannique de l’Hosanna notamment.
On reste en outre soufflé par le travail des Chœurs de l’Orchestre de Paris, spectaculairement repris en main en 2011 par Lionel Sow, également à l’origine de la Maîtrise qui fait merveille ce soir dans ses apparitions aveugles, d’une justesse, d’une transparence et d’une homogénéité partagées avec le chœur d’adultes, d’un travail de texte encore supérieur, jusque dans la manière de laisser résonner les consonnes finales des Amen comme une volonté d’invoquer la clémence pour toutes les âmes égarées dans la violence apocalyptique d’un siècle ravagé par deux guerres mondiales.
On se réjouissait de la programmation, souhaitée par Britten, d’un trio de solistes avec soprano russe, ténor anglais et baryton allemand. Un virus nous aura ravi la première, remplacée par le vibrato distendu d’Emma Bell, particulièrement problématique dans les hoquets de son Lacrymosa moins porté sur l’intériorité que sur les décibels. Camouflée au milieu des femmes du chœur, elle laissera d’autant plus la vedette à un duo masculin de choc.
Il y a longtemps qu’on n’avait entendu un ténor aussi naturellement taillé pour Britten qu’Andrew Staples, couleur éminemment anglaise, émission légèrement nasalisée et parfaitement contrôlée, apte à la vindicte comme à la confidence, dansant génialement sur le fil d’insinuations spectrales à la Peter Quint et qui, malgré une individualisation marquée, ne fera qu’un (l’apparition de l’ange au cœur de l’Offertoire) avec l’expressionnisme morbide, chaque note hantée par la mort inéluctable, d’un Christian Gerhaher en diseur génial et possédé, décidément l’un des artistes les plus considérables du moment.
Quatre-vingts minutes de ferveur mêlée de réussite formelle, au service du pacifisme d’un compositeur hanté par le doute sur la bonne volonté des hommes à répandre la Paix sur terre…
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Philharmonie, Paris Le 15/05/2019 Yannick MILLON |
| War Requiem de Britten sous la direction de Daniel Harding Ă la Philharmonie de Paris. | Benjamin Britten (1913-1976)
War Requiem, op. 66 (1962)
Emma Bell, soprano
Andrew Staples, ténor
Christian Gerhaher, baryton
Chœur d’enfants de l’Orchestre de Paris
préparation : Béatrice Warcollier
Chœur de l’Orchestre de Paris
préparation : Lionel Sow
Orchestre de Paris
direction : Daniel Harding | |
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