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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production d’Hippolyte et Aricie de Rameau dans une mise en scène de Jetske Mijnssen et sous la direction d’Emmanuelle Haïm à l’Opéra de Zurich.
Une tragédie démythifiée
Cette première tragédie lyrique de Rameau perd de sa superbe dans une mise en scène qui exclut quasiment la danse et réduit le drame à une affaire de famille. Si Emmanuelle Haïm se concentre sur l’énergie au détriment parfois de la grandeur et de la profondeur, Cyrille Dubois en Hippolyte et Stéphanie d’Oustrac en Phèdre sont absolument renversants.
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C’est la première fois que l’Opernhaus Zürich présente Hippolyte et Aricie. Peut-être faut-il y voir la raison d’une mise en scène très lisible. L’ensemble est très agréable à voir (superbes costumes) avec un décor tournant, représentant la salle d’un immense palais classique, dont l’unicité est habilement exploitée, notamment pour l’acte des enfers où des têtes de corbeaux coiffent chaque membre du chœur, ce qui, associé à des jeux d’ombre sur les murs, rend l’ensemble saisissant. La direction d’acteurs est affutée et permet une réelle caractérisation des personnages.
Certains aspects de la tragédie lyrique sont par contre étonnamment absents : la danse, uniquement dans le divertissement du IV ou la belle prestance d’un danseur campant Pirithoüs au II, et la mythologie puisque Jetske Mijnssen a voulu ramener le drame à une histoire domestique : autour d’une grande table, Pirithoüs, l’amant de Thésée, est assassiné par trois Jésuites inquiétants (et qui seront les Parques du II), les Dieux devenant quant à eux les aînés de la famille. Ainsi, Hippolyte n’est pas emporté par un monstre mais tué par son père (dans les flammes) tandis que la scène finale le voit devenir le nouveau despote de cette famille. Un aménagement de la partition permet de coller avec cette vision finalement pessimiste. On est tout de même loin de Rameau...
Mais la valeur du spectacle tient surtout à une distribution où brillent deux incarnations majeures : Cyrille Dubois en Hippolyte et Stéphanie d’Oustrac en Phèdre. Le premier renverse par la qualité de la voix, de la ligne d’une souplesse admirable, y compris dans des aigus attaqués avec netteté et assurance, par l’engagement et l’émotion qu’il distille. Son air du IV est bouleversant, tout comme le duo qui suit avec la très belle Aricie de Mélissa Petit dont le joli timbre se marrie parfaitement au sien. Stéphanie d’Oustrac est tout aussi impressionnante en Phèdre par l’intensité de l’incarnation, la projection étonnante ou la rage dont elle fait preuve dans certaines scènes sans malmener son somptueux matériau.
Le Thésée d’Edwin Crossley-Mercer est tout aussi charismatique, et frappe par sa noblesse accentuée par un registre grave superbe (fin de Puissant maître des flots). Wenwei Zhang est un Neptune et un Pluton à la voix sonore mais dont le grave manque d’impact et le français est perfectible. Même semi-déception pour la Diane d’Hamida Kristoffersen. Les rôles secondaires sont tous très bien tenus, notamment de superbes Parques. Les chœurs de l’Opernhaus affichent des voix très lyriques au vibrato parfois envahissant et une homogénéité qui fait défaut, malgré un très beau Que ce rivage retentisse.
L’Orchestre La Scintilla, lui aussi maison, est très colorĂ©, notamment quatre superbes hautbois et de très beaux traversos. Si l’homogĂ©nĂ©itĂ© des cordes est Ă parfaire, on notera un très beau continuo. Reste le cas Emmanuelle HaĂŻm, Ă qui l’on ne peut reprocher son Ă©nergie et sa conviction Ă dĂ©fendre ce rĂ©pertoire, qui interviennent toutefois au dĂ©triment de la profondeur. Certaines scènes sont expĂ©diĂ©es, comme la mort de Phèdre qui en perd une part de sa dimension tragique. Attentive aux couleurs orchestrales, la cheffe en rajoute avec notamment des percussions envahissantes jusqu’à l’absurde lorsque telle danse est accompagnĂ©e par des bruits de chaĂ®nes tout droits venus de De la maison des morts de Janáček.
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Opernhaus, ZĂĽrich Le 30/05/2019 Pierre-Emmanuel LEPHAY |
| Nouvelle production d’Hippolyte et Aricie de Rameau dans une mise en scène de Jetske Mijnssen et sous la direction d’Emmanuelle Haïm à l’Opéra de Zurich. | Jean-Philippe Rameau (1683-1764)
Hippolyte et Aricie, tragédie lyrique en cinq actes et un prologue (1733)
Livret de l’Abbé Simon-Joseph Pellegrin
Chœurs de l’Opernhaus Zürich
Orchestre La Scintilla
direction : Emmanuelle HaĂŻm
mise en scène : Jetske Mijnssen
décor : Ben Baur
costumes : Gideon Davey
Ă©clairages : Franck Evin
chorégraphie : Kinsun Chan
préparation des chœurs : Janko Kastelic
Avec :
Mélissa Petit (Aricie), Cyrille Dubois (Hippolyte), Stéphanie d’Oustrac (Phèdre), Edwin Crossley-Mercer (Thésée), Wenwei Zhang (Pluton / Neptune), Hamida Kristoffersen (Diane), Aurélia Legay (Œnone), Nicholas Scott (Première Parque), Spencer Lang (Deuxième Parque), Alexander Kiechle (Troisième Parque), Gemma Nà Bhriain (Une Prêtresse de Diane / Une Matelote / Une Chasseresse), Piotr Lempa (Un chasseur). | |
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