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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production de Don Giovanni de Mozart dans une mise en scĂšne de Marie-Ăve Signeyrole et sous la direction de Andreas Spering Ă l'OpĂ©ra national du Rhin.
Le corps défendu
Abondance de Mozart ne nuit pas⊠AprĂšs le Don Giovanni insipide signĂ© Ivo van Hove Ă Garnier, Marie-Ăve Signeyrole livre Ă Strasbourg une version qui prĂ©sente au moins le mĂ©rite d'oser sortir des sentiers battus. Le retrait de Christian Curnyn laisse au chef Andreas Spering les rĂȘnes d'un orchestre qui offre Ă un plateau assez moyen un Ă©crin de premier plan.
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Le souvenir d'Eva Kleinitz plane sur cette reprĂ©sentation, la veille d'un hommage rendu par l'OpĂ©ra du Rhin Ă sa directrice emportĂ©e par la maladie le 30 mai dernier. Au centre de cette production, il y a la notion performance. Avec ce Don Giovanni signĂ© Marie-Ăve Signeyrole, le terme prend une acception littĂ©rale d'art performatif qui implique directement la notion de corps. Son personnage n'est plus seulement le grand seigneur mĂ©chant homme de MoliĂšre, mais l'incarnation d'un rapport social du dĂ©sir et de la sĂ©duction.
L'introduction est jouée rideau levé, montrant le héros assis passivement sur sa chaise, le regard dans le vide, tandis que se succÚdent en face de lui plusieurs femmes ; l'une s'ouvrant les veines, l'autre le dévorant de baisers, sans provoquer de réaction. On filme en direct ce que s'apparente à des piÚces à conviction, autant d'objets présents dans la narration.
En parallÚle, le spectacle est rendu spectaculaire par son interaction salle-scÚne, une partie du public présente aux cÎtés des chanteurs et d'autres personnes tirées au sort pour participer à la soirée sur une scÚne transformée pour l'occasion en lieu de performance genre théùtre de rue ou plateau télé.
On Ă©vite de peu la trivialitĂ©, grĂące Ă l'afflux et Ă la qualitĂ© des rĂ©fĂ©rences dans lesquelles s'inscrit la narration. On laissera de cĂŽtĂ© le public interpellĂ© par des comĂ©diens sur le parvis de lâOpĂ©ra, ou la sĂ©quence oĂč Leporello devenu chauffeur de salle demande aux spectateurs : « Selon vous, Don Juan est-il coupable ? »
Le rapport de prédation est traité sur un plan humoristique, avec cette plaie de Donna Elvira poursuivant de ses assiduités son amant infidÚle jusqu'à se venger sur une voiture. On admire les angles et le soin des prises de vue dans les captations en temps réel, qui viennent compléter les références cinématographiques (Kazan, Kubrick) surgissant au fil de la soirée.
Cependant, l'abondance de bonnes intentions ne saurait faire oublier une ligne générale relativement floue qui peine à agréger tous les détails dans une vision dynamique. Chacun se partage en conclusion le corps de Don Giovanni, à coups de fourchette comme pour mieux célébrer l'idée que le donjuanisme est un concept qu'on s'approprie jusqu'à dévorer le personnage, pourtant mort empoisonné.
Nikolay Borchev est un Don Giovanni bien charpenté mais le grain de la voix reste relativement neutre et l'émission en retrait. Le Leporello de Michael Nagl est mis en valeur par le rÎle de Monsieur Loyal que lui attribue la scénographie. Le timbre mat s'accorde admirablement avec un phrasé au cordeau. Annoncée souffrante, Jeanine De Bique dessine une Donna Anna au milieu de lignes hérissées de trémulations.
AnaĂŻs Yvoz est une Zerlina pĂ©tulante et colorĂ©e, Ă l'inverse du Masetto effacĂ© et terne de Igor Mostovoi. La Donna Elvira de Sophie Marilley ne s'embarrasse pas de dĂ©tails et sollicite son instrument dans un aigu trĂšs tendu. Don Ottavio Ă©chappe en grade partie aux moyens dĂ©ficients d'Alexander Sprague tandis que le Commandeur trouve en Patrick Bolleire un honnĂȘte interprĂšte.
Appelé à la derniÚre minute pour remplacer Christian Curnyn, Andreas Spering fait mieux que de sauver les meubles, un exploit alors qu'il a rencontré l'orchestre pour la premiÚre fois quelques heures avant la représentation. Sa direction met en avant les tempi vifs d'une lecture parfaitement calibrée au drame mozartien.
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