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CRITIQUES DE CONCERTS |
03 décembre 2024 |
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Nouvelle production de Don Giovanni de Mozart dans une mise en scène de Davide Livermore et sous la direction de Frédéric Chaslin aux Chorégies d'Orange 2019.
Orange 2019 (2) :
Sur les chapeaux de roues
Pour son 150e anniversaire, Orange s'offre Don Giovanni, absent du Théâtre antique depuis 1996. Davide Livermore tente de faire exister le spectacle au-delà d'une mise en espace, notamment par les crissements de pneus et irruptions de bandits en 4x4. Frédéric Chaslin donne à l'entreprise une carrure élégante qui porte un plateau de premier plan.
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Frénésie de la danse
Clavecin itératif
RĂ©serve expressive
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C'est un Don Giovanni résolument moderne qui fait irruption sur la scène du Théâtre antique ; d'une modernité que le metteur en scène Davide Livermore a voulu mettre en corrélation avec une obscure histoire de guerre de gangs. Le séducteur de Séville se retrouve mêlé avec son comparse Leporello à des trafics qui ne se limitent pas au fameux catalogue de conquêtes.
Le Commandeur fait son apparition dans un 4x4 qui bloque la route au taxi jaune de Leporello. Des figurants rejouent la scène d'un meurtre qui laisse Don Giovanni au sol, tel une victime prémonitoire. Pour le reste, on peut fermer les yeux sur les (nombreuses) projections qui transforment le mur antique tantôt en mer de sang, tantôt en façade d'immeuble taguée, tantôt en hôtel de luxe avec ascenseur incorporé.
L'utilisation d'un habile portique surplombant la porte centrale permet une astucieuse variation de situations, tandis qu'une scène en demi-cercle enserre l'orchestre et accueille les protagonistes venus chanter leurs airs. On évitera de creuser trop loin les anachronismes qui distinguent Don Giovanni-Leporello et le Commandeur du reste de la troupe, un peu comme si l'univers de Scorcese ou Coppola entrait en collision avec les films de cape et d'épées des années 1960. Déception en revanche avec une scène finale qui ne ménage aucun des effets spéciaux qui semblaient nous être promis auparavant.
Le Don Giovanni d’Erwin Schrott brille de mille feux, avec un abattage et une assurance confondantes. Le baryton uruguayen connaît son rôle sur le bout des notes et le public ne boude pas son plaisir lorsqu'il entonne un Là ci darem la mano aux allures de crooner. Le Leporello d'Adrian Sâmpetrean n'a pas la surface vocale qui lui permettrait de rivaliser côté projection mais il connaît l'art de capter l'attention grâce à un jeu d'acteur sans pareil. Mariangela Sicilia est une remplaçante de luxe dans le rôle de Donna Anna, elle domine son sujet dans un Or sai chi l’onore funambule mais souple et brillant.
Karine Deshayes sait se sortir du piège d'un rôle de casse-pied et sa Donna Elvira sait vitupérer à son aise malgré quelques prises d'air peu commodes (Mi tradì). Stanislas de Barbeyrac est un Don Ottavio plus dominateur que dans la récente mise en scène d'Ivo van Hove à Garnier. La voix peine cependant à se plier à la minutie des ornements et des changements de registres (Il mio tesoro). Le couple Zerline-Masetto trouve en Annalisa Stroppa et Igor Bakan deux interprètes qui surjouent les contrastes et les caractères. On saluera également la prestation d'Alexeï Tikhomirov, Commandeur puissant mais pas caricatural, qui impose avec brio son personnage de parrain et méchant homme.
On doit à la direction (sans partition) de Frédéric Chaslin une belle lecture du drame mozartien. La battue invite l'Orchestre de l'Opéra de Lyon à donner le meilleur en sollicitant des tempi vifs et volontaires. La précision et la transparence des pupitres fait ici merveille et se joue des caprices du plein air pour offrir une interprétation qui fait honneur au lieu et à la réputation des Chorégies.
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