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CRITIQUES DE CONCERTS |
22 décembre 2024 |
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Nouvelle production de Tannhäuser de Wagner dans une mise en scène de Tobias Kratzer, sous la direction de Christian Thielemann au festival de Bayreuth 2019.
Bayreuth 2019 (2) :
Sur la route
Fidèle à la notion d’atelier du festival de Bayreuth, Tobias Kratzer cherche à renouveler la dramaturgie wagnérienne du côté de l’humour, dans un spectacle parfaitement réglé mais éloigné des préoccupations initiales de Tannhäuser. Une production décalée, assurée par un Christian Thielemann dépêché dans l’urgence pour palier la défection de Valery Gergiev.
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Les enfants, faites du neuf ! Jamais autant que ces dernières années les metteurs en scène n’ont exploité jusqu’à la saturation cette recommandation de Wagner. On croyait avoir tout vu dans l’Atelier Bayreuth, sauf du côté d’une prétendue veine humoristique du compositeur, malgré quelques aspects comédie musicale dans Lohengrin selon Hans Neuenfels (2010-2015).
Avec force vidéos, ce Tannhäuser (version de Dresde) dû à Tobias Kratzer a des allures de road-movie, le monde tentateur de Vénus symbolisé par les virées en vieux van Citroën de pirates de la route surexcités, le nain Oskar (héros du Tambour de Günter Grass) et le drag-queen Le Gateau Chocolat autour d’un Heinrich en clown triste. Tout bascule lorsque, pour éviter de payer au drive d’un Burger King, l’équipée écrasera un officier de police.
Le négatif de cet univers est celui de Bayreuth, du sérieux, des chanteurs d’opéra, devant des choristes-festivaliers programme du spectacle à la main. Le II, dans un traditionnel décor de la Wartburg, narrera avec vidéo en direct depuis les coulisses l’intrusion des saltimbanques dans le Festspielhaus, Vénus bâillonnant dans les toilettes un Edelknabe pour prendre sa place au tournoi, où elle fichera le bazar, Katharina Wagner contrainte à appeler les forces de l’ordre.
Cette transposition potache, réductrice quant au questionnement initial entre chair et esprit (et qui perd de sa vigueur au III, Oskar utilisant les tracts libertaires de son ancien gang pour sa grosse commission), irrigue pourtant un spectacle réglé au millimètre, souvent drôle, formidablement régi. Encore un détournement au cordeau, qu’on jugera selon sa tolérance à la pratique.
D’autant que Kratzer multiplie les clins d’œil locaux : panneau indiquant la fermeture de la centrale au biogaz du précédent Tannhäuser de Bayreuth ; les acolytes de Vénus, dans le couloir aux portraits des chefs ayant dirigé dans l’abîme mystique, pris de peur devant James Levine (#metoo), et d’admiration face à Thielemann, qui n’aura jamais tant mérité son statut de héros wagnérien que ce soir.
Katharina annonce en effet que Gergiev, absent pour un deuil, a dû être remplacé à la dernière minute par le chef allemand. Ovation presque aussi délirante que celle qui, aux saluts, accueillera un Thielemann ayant bâtonné un peu dans les ensembles tout en affirmant sa patte jusque dans certains ralentis. Si l’entrée des convives reste prudente, la battue, plus inspirée que le bâclage de son confrère entendu à la radio fin juillet, offre toujours un savant mélange d’avancée et de respiration, éloquente en diable dans les pages chorales (retour des pèlerins).
Le Tannhäuser de Stephen Gould, colossal, accuse une certaine fatigue, ce soir énergique par la seule puissance de l’émission, dont les aigus commencent à ne plus vibrer, dont les « r » américains demeurent problématiques. Annoncée comme la nouvelle Flagstad – la parenté de timbre est évidente –, Lise Davidsen offre un format dramatique en devenir, là où l’on peut préférer pour Elisabeth un vrai soprano blond qui ne détimbrera pas les pianissimi. Mais le trait large, la somptueuse homogénéité sont d’une authentique wagnérienne qui devra creuser l’incarnation.
Stephen Milling, déclamation jamais aboyée, a l’onction royale du Landgraf Hermann, quand Markus Eiche possède la clarté et l’élégance, à défaut d’une intonation moins plafonnante, pour Wolfram. Enfin, son abattage scénique fait passer les limites criantes (au propre comme au figuré) de la Vénus d’Elena Zhidkova, voix sèche au vibrato incontrôlé dans les aigus.
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Festspielhaus, Bayreuth Le 13/08/2019 Yannick MILLON |
| Nouvelle production de Tannhäuser de Wagner dans une mise en scène de Tobias Kratzer, sous la direction de Christian Thielemann au festival de Bayreuth 2019. | Richard Wagner (1813-1883)
Tannhäuser, grand opéra romantique en trois actes (1845)
Livret du compositeur
Chor und Orchester der Bayreuther Festspiele
direction : Christian Thielemann
mise en scène : Tobias Kratzer
décors & costumes : Rainer Sellmaier
Ă©clairages : Reinhard Traub
vidéo : Manuel Braun
préparation des chœurs : Eberhard Friedrich
Avec :
Stephen Milling (Landgraf Hermann), Stephen Gould (Tannhäuser), Markus Eiche (Wolfram von Eschenbach), Daniel Behle (Walther von der Vogelweide), Kay Stiefermann (Biterolf), Jorge Rodriguez-Norton (Heinrich der Schreiber), Wilhelm Schwinghammer (Renmar von Zweter), Lise Davidsen (Elisabeth), Elena Zhidkova (Venus), Katharina Konradi (Ein junger Hirt), Cornelia Ragg, Lucilla Graham, Annette Gutjahr (Edelknaben), Le Gateau Chocolat (Le Gateau Chocolat), Manni Laudenbach (Oskar). | |
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