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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production de la Traviata de Verdi à l'Opéra de Paris, dans la mise e nscène de Simon Stone et sous la direction de Michele Mariotti.
Violetta et ses followers
La Traviata revient à Garnier dans une version décapante et hyperconnectée signée Simon Stone. Si toutes les options n'aboutissent pas forcément, on salue le risque pris et l'adéquation avec un plateau où brille l'étoile Pretty Yende et surtout une fosse de premier plan, dirigée avec fougue et brio par Michele Mariotti.
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Simon Stone se tire brillamment du piège tendu par l'ouvrage de Piave et Verdi, en contournant l'obstacle du sentimental et du lacrymal pour mieux se concentrer sur la dimension à la fois moderne et désespérément futile d'une Violetta version 2019. On voit défiler sur les écrans géants une pluie d'émoticones et de commentaires, qui font de la courtisane une héroïne des réseaux sociaux. Le décor-tournette laisse voir une société qui court à sa perte par l'abus même des images et des faussetés qu'elle produit.
On peine à trouver à cette Violetta les contours de la sainteté inspirée du personnage d'Alexandre Dumas fils ; la faute à cette image de YouTubeuse branchée qui retire de la crédibilité au statut de femme fatale qui attire Alfredo comme un aimant. En confondant célébrité et intimité, Simon Stone ne fait pas de Violetta cette icône intemporelle qui symbolise à elle seule le destin humain dans son ensemble. Peu crédible également, la mise très apprêtée de Pretty Yende qui fait mentir la maladie qui la ronge, que ce soit la tuberculose chez Dumas et Piave, ou plus prosaïquement un cancer ici. On peine à se prendre d'affection pour un personnage de modeuse addicte aux fêtes nocturnes et au champagne…
L'image (assez radicale) d'une vraie vache dans la scène à la campagne tente de faire passer aux forceps l'idée d'un retour à la terre qui n'a aucune chance d'aboutir, avant même l'arrivée de Germont père. On mesure en le voyant débarquer dans son austère costume, l'écart qui le sépare de la génération de Violetta et Alfredo. Les accoutrements improbables des fêtards chez Flora mériteraient à eux seuls que Violetta retourne à ses champs et à ses vaches mais il n'en est rien et la fatalité la mènera jusqu'à son lit de mort, dans l'univers lugubre d'une unité de soins palliatifs.
Le triomphe que recueille Pretty Yende est assurément mérité, si l'on considère l'endurance et la tenue de cette voix, rompue à l'art brillant du Bel canto. On regrette cependant l'absence d'incarnation qui lui fait tourner le dos à son personnage et se concentrer sur des aigus impeccablement alignés. Rien à voir avec le talent de Ludovic Tézier, dont la maîtrise insolente fait exister le personnage de Germont père au-delà du piètre profil de provincial austère qu'on cherche à lui imposer.
La voix du baryton français multiplie les prouesses, capable de créer des arrière-fonds expressifs qui – paradoxalement – manquent à l'Alfredo de Benjamin Bernheim. Le ténor joue la carte du brio et de l'énergie mais oublie en route une bonne partie de la concentration nécessaire. La prestation gagne de l'ampleur en cours de route, pour culminer au moment où le drame prend le dessus.
Michele Mariotti soulève l'enthousiasme du public en offrant une lecture au cordeau, d'un impact et d'une énergie à se pâmer. On aura rarement entendu l'Orchestre de l'Opéra de Paris en si bonne forme, et ce malgré l'acoustique revêche du Palais Garnier.
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Palais Garnier, Paris Le 15/09/2019 David VERDIER |
| Nouvelle production de la Traviata de Verdi à l'Opéra de Paris, dans la mise e nscène de Simon Stone et sous la direction de Michele Mariotti. | Giuseppe Verdi (1813-1901)
La Traviata, opéra en trois actes (1853)
Livret de Francesco Maria Piave d’après La Dame aux camélias d’Alexandre Dumas fils
Chœurs et Orchestre de l’Opéra national de Paris
direction : Michele Mariotti
mise en scène : Simon Stone
décors : Bob Cousins
costumes : Alice Babidge
Ă©clairages : James Farncombe
préparation des chœurs : José Luis Basso
Avec :
Pretty Yende (Violetta Valéry), Benjamin Bernheim (Alfredo Germont), Ludovic Tézier (Giorgio Germont), Catherine Trottmann (Flora Bervoix), Marion Lebègue (Annina), Julien Dran (Gastone), Christian Helmer (Il Barone Douphol), Marc Labonnette (Il Marchese d'Obigny), Thomas Dear (Dottor Grenvil), Luca Sannai (Giuseppe), Enzo Coro (Domestique), Olivier Ayault (Commissaire). | |
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