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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Première au Grand Théâtre de Genève d’Aïda de Verdi dans la mise en scène de Phelim McDermott et sous la direction d’Antonino Fogliani.
AĂŻda entre deux eaux
C'est une curieuse Aïda qui débarque au Grand Théâtre de Genève. Venu de Houston et de l’English National Opera, ce spectacle sans grand envergure peine à trouver une ligne cohérente. Sauvée en partie par la direction d’Antonino Fogliani et la performance d'Elena Stikhina dans le rôle-titre, le reste du plateau présente des niveaux très contrastés.
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L'apparition du directeur Aviel Cahn sur la scène du Grand Théâtre aurait pu augurer du remplacement d'un chanteur défaillant. Il n'en est rien : l'annonce concerne l'incident technique qui déclencha le système anti-incendie et aurait pu mettre en péril la première de cette Aïda, contraignant les artistes à boucler la générale la veille même.
Le spectacle de Phelim McDermott, créé en 2017, débute avec la vision abstraite d'une pyramide colorée qui se découpe dans l'entrebâillement du rideau de scène. La suite est beaucoup moins conceptuelle, défilé de costumes (signés Kevin Pollard) improbables alliant le kitsch extrême des dorures à une esthétique mi-Zeffirelli mi-Sellars. Les plastrons du Roi et la couronne du Grand Prêtre sont posés sur des costumes trois pièces, façon de signaler que l'archéologie façon Cecil B. DeMille renvoie à une vision critique des oripeaux modernes du pouvoir.
On chercherait vaguement une cohérence visuelle entre ces Égyptiens en monarques autoritaires et ces Éthiopiens en treillis vaguement occidentaux… l'allusion que fait le programme de salle aux conventions de Genève ne permettra pas de démêler cet écheveau de symboles funèbres (les cercueils des héros tombés au champ d'honneur) et les figurants grimés en dieux égyptiens. Seuls le découpage des différents espaces comme le temple, dans la profondeur de la scène, et la tombe nuptiale, avec cet éclairage zénithal, parviennent à éveiller l'intérêt.
Une troupe de danseurs grouille autour et sur la gigantesque cage où sont enfermés Amonasro et ses troupes. C'est épais, surligné, d'une signification de plomb et les chanteurs semblent au milieu de ce capharnaüm livrés à eux-mêmes, alternant gestes conventionnels et mines déconfites. S'il faut donc fermer les yeux, il faudra également user de quelques précautions en ouvrant les oreilles.
Le plateau est dominé par Elena Stikhina, dont la prise du rôle-titre parvient sans peine à écraser toute rivalité alentour. La voix est large et souple, avec un phrasé élégant, aérien dans les moments de tension (Ritorna vincitor). Quelques aigus tirés dans le duo final trahissent une endurance qui se dérobe mais l'essentiel est en place. Peut-on en dire autant du Radamès de Yonghoon Lee ? La voix est d'une vigueur excessive, passant en force et usant d'un timbre à la fois peu soigné et ingrat.
À ce jeu de bras de fer, c'est encore l'Amnéris de Marina Prudenskaya qui remporte la palme. Excessivement vibrée mais bien projetée, la voix sombre de la mezzo pétersbourgeoise incarne une héroïne blessée dans son orgueil et vitupérant sa rage telle une mini-Elektra. Alexey Markov livre un Amonasro convenable mais qui ne force pas son talent, limité par un jeu d'acteur qui le contraint à pousser ses notes sans y croire vraiment. Claire de Sévigné est une Grande Prêtresse de grand talent, tandis que Liang Li (Ramfis) et Donald Thomson (Roi d’Égypte) campent leurs personnages avec force et sensibilité.
Antonino Fogliani dirige de belle manière un Orchestre de la Suisse Romande en grande forme. La battue est énergique mais sans exagérer des volumes qui chez d'autres prennent des aspects de carton-pâte. Placées latéralement de part et d'autre du premier balcon, les célèbres trompettes s'accordent aux lignes élégantes des cordes et des bois. Les chœurs mettront parfois quelque temps à trouver leur impact et leur cohérence mais au final, arrivent à bon port.
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