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CRITIQUES DE CONCERTS |
30 décembre 2024 |
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Première à l’Opéra de Dijon de Pelléas et Mélisande de Debussy dans la mise en scène d’Éric Ruf, sous la direction de Nicolas Krüger.
Mélancolie d’estampes
Étrennée au Théâtre des Champs-Élysées, la mise en scène de Pelléas et Mélisande par Éric Ruf s’offre un détour à l’Opéra de Dijon en conservant intact le pouvoir évocateur de ses images et de sa pénombre, parfaitement relayées par la galerie d’estampes de la direction infiniment mélancolique de Nicolas Krüger, à la tête d’une distribution renouvelée.
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En mai 2017 était dévoilée au TCE la vision au noir de Pelléas et Mélisande par Éric Ruf, certainement pas une production de direction d’acteurs ou de réinvention dramaturgique, mais une série de variations atmosphériques autour d’un décor unique d’intérieur de silo charriant autant d’effluves marins que de dégénérescence dynastique, éclairé à la perfection dans des gradations de pénombre ne rendant que plus éclatantes les teintes Jugendstil de la chambre de Mélisande.
Ce travail scénique pourra sembler passéiste, mais il permet de mieux se couler dans une narration orchestrale parmi les plus admirables qu’on ait entendues. Nicolas Krüger transcende en effet un Orchestre Dijon Bourgogne fluide et évocateur, avec des bois pastel aux mille diaprures – la flûte droite de la fin du I, bouffée de fraîcheur sur un amour naissant, le hautbois tantôt maladif de Mélisande, tantôt d’une innocence sans arrière-pensée d’Yniold.
Surtout, le chef français, qui a parfaitement pris la mesure de la résonance de l’Auditorium de Dijon, installe la dramaturgie dans une continuité assise sur une galerie d’estampes sonores exaltant le raffinement inouï de l’écriture debussyste, intégrant silences, moments de doute, rais de lumière soudains dans une pulsation qui jamais ne cale. Une tendresse, une infinie mélancolie nous bercent avec subtilité et comme dans un rêve pendant 2h45.
Intégralement renouvelée, la distribution vaut pour sa lignée masculine, dont les statures vocales et les déclamations s’amincissent généalogiquement du patriarche au plus jeune homme de la famille. Au centre, le Golaud de belle ligne de Laurent Alvaro, laissant filtrer ici ou là des couleurs d’antan à la Michel Roux sur les fins de phrase, seulement fragile sur le haut du spectre mais constamment musical et raide juste ce qu’il faut.
Dans les tréfonds, l’Arkel de Vincent Le Texier, dont le timbre sépulcral impressionne dès qu’il ouvre la bouche, mais dont l’émission empâtée, la déclamation quasi wagnérienne, lourde et souvent en retard pour la droiture mêlée d’onction du vieillard, butent sur la prosodie épurée du compositeur, justement en réaction contre le grand opéra.
À l’autre bout du spectre, le Pelléas adolescent de Guillaume Andrieux, dénué d’étoffe trop opératique, d’un naturel de déclamation inouï, joliment timbré dans le grave, impalpable, mystérieux et absent, clair sans sonner vraiment comme le baryton Martin archétypal, et qui gère au mieux avec des résonances de tête les périlleux aigus de l’acte IV.
Si la Geneviève de Yael Raanan Vandor fait des efforts pour nuancer sa lettre, elle pèche comme tant d’autres par manque de simplicité, tout comme l’Yniold de Sara Gouzy. Enfin, la tumultueuse australienne Siobhan Stagg, Pamina de rêve sur cette même scène, ne trouve jamais le diapason de Mélisande, pas assez évanescente, trop active et typée soprano cristallin (les aigus évoqueraient parfois la jeune Schwanewilms) pour convaincre dans un emploi aussi ambigu, qui supporte mal ces accents dramatiques en voix de poitrine et un français aussi exotique, intelligible mais dont les voyelles ne sont jamais tout à fait les bonnes.
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Auditorium, Dijon Le 10/11/2019 Yannick MILLON |
| Première à l’Opéra de Dijon de Pelléas et Mélisande de Debussy dans la mise en scène d’Éric Ruf, sous la direction de Nicolas Krüger. | Claude Debussy (1862-1918)
Pelléas et Mélisande, opéra en cinq actes (1902)
Livret de Maurice Maeterlinck
Coproduction avec le Théâtre des Champs-Élysées, l’Opéra de Rouen, le Théâtre du Capitole de Toulouse et le Stadttheater de Klagenfurt
Chœur de l’Opéra de Dijon
Orchestre Dijon Bourgogne
direction : Nicolas KrĂĽger
mise en scène & décors : Éric Ruf
costumes : Christian Lacroix
Ă©clairages : Bertrand Couderc
préparation des chœurs : Anass Ismat
Avec :
Guillaume Andrieux (Pelléas), Siobhan Stagg (Mélisande), Laurent Alvaro (Golaud), Vincent Le Texier (Arkel), Yael Raanan Vandor (Geneviève), Sara Gouzy (Yniold), Rafael Galaz (Le Berger / Le Médecin), Ruth Nüesch, Sarah Camus, Léa Picot (Servantes). | |
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