Alfred Brendel entre maintenant avec une canne, d’une démarche peu assurée, mais dès qu’il s’agit de musique, l’instinct se montre toujours aussi vif que l’intelligence est acérée. Le jeune Quatuor Pacific débute donc la première masterclass avec l’un des chefs-d’œuvre pour répertoire le Quatuor n° 13 « Rosamunde » de Schubert.
Le geste est déjà précis, surtout celui du premier violon Yuta Takase, bien accompagné par le second, jamais trop en retrait, de Ronny Spiegel. Pourtant, dès sa première interruption dans l’Allegro ma non troppo, le pianiste de 89 ans a tout à reprendre. Sans aucune méchanceté, mais avec la justesse d’un homme qui n’a plus rien à démontrer, il s’adresse d’abord à la violoncelliste Sarah Weilenmann, pour lui dire que ses coups d’archets ne sont pas justes.
Puis c’est au tour du premier violon de devoir rejouer un passage qu’il n’accentue pas comme il est écrit, et ensuite au groupe, pourtant déjà bien en phase, de devoir être repris sur un pianissimo exécuté trop fort. Alfred Brendel glisse aussi une idée sur un accent, peut-être une erreur, d’un compositeur « qui en a pourtant fait peu, en tout cas beaucoup moins que d’autres ».
Peut-être aurait-il aussi repris le Fine Arts Quartet le lendemain, car s’il y a bien un terme qui s’accorde parfaitement à cet ensemble, c’est bien celui de finesse, presque qu’autant que celui d’élégance, tout aussi marquant. Le jeu est alors toujours sobre, sans doute trop peu contrasté pour un Brendel dont on connaît la capacité à utiliser le rubato pour soulever de nombreux instants.
Les Fine Arts débutent avec le Deuxième Quatuor de Beethoven, jamais trop exalté pour livrer une partition toujours dosée, de la part d’une formation dont les deux violons jouent ensemble depuis maintenant trente-six ans, avec un rendu d’une parfaite homogénéité. À cela s’ajoute le splendide alto de Gil Sharon, légèrement plus chaleureux, magnifique lorsqu’il doit porter ensuite de son chant solitaire le second Moderato du Quatuor n° 1 de Chostakovitch.
Le violoncelle de Niklas Schmidt se démarque lui dans les pizzicati de l’Allegro final, particulièrement bien appuyé, presque claqué parfois. À ce style d’interprétation, le troisième et dernier des Razoumovski de Beethoven trouve plus de vigueur que la première pièce du maître proposée ce soir, non tant dans le Menuetto grazioso que dans un Allegro molto final particulièrement bien traité dans sa vivacité.
Après un menuet de Beethoven offert en premier bis, le Finale du Quatuor n° 64 n° 5 de Haydn, nommé « l’Alouette », fait regretter que ce compositeur n’ait été inséré dès le début au programme officiel d’un ensemble auquel il convient si bien !
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