|
|
CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
|
Nouvelle production d’Iphigénie en Tauride de Gluck dans une mise en scène d’Andreas Homoki et sous la direction de Gianluca Capuano à l’Opéra de Zurich.
Gluck en noir et blanc
Sentiment mitigé pour cette nouvelle Iphigénie en Tauride, tant par une distribution majoritairement francophone où brillent Stéphane Degout et Frédéric Antoun mais à côté de qui Cecilia Bartoli peine à convaincre, que par une production sombre et esthétique qui frôle d’autant plus la monotonie que les quatre actes sont enchaînés sans pause.
|
|
Bons baisers d’Eltsine
RĂ©gal ramiste
L'Étrange Noël de Mrs Cendrillon
[ Tous les concerts ]
|
Habituée des rôles di agilità , Cecilia Bartoli avait pourtant déjà abordé Iphigénie à Salzbourg en 2015, un rôle éloigné des pirouettes auxquelles on associe spontanément la chanteuse. Si l’incarnation est forte et l’engagement total, le chant probant, prenant et émouvant, on doute cependant de l’adéquation de cette voix à l’art de la déclamation que réclament la tragédie lyrique française. Le texte n’est jamais vraiment parfaitement compréhensible hormis quelques mots un peu artificiellement saillants.
Ce hiatus entre la voix et la stature scénique rend d’autant plus partagé que les partenaires masculins de la Bartoli sont, d’une part, français ou francophones, et d’autre part, fusionnent en un tout leurs qualités de chanteurs et de tragédiens. Stéphane Degout est, une fois de plus, écrasant dans cette figure du frère torturé. Si on peut certes lui reprocher d’en faire un peu trop à l’acte I, la profondeur de son incarnation, la ligne de chant et le timbre sont toujours aussi saisissants.
Au même niveau d’excellence se situe le trop rare Frédéric Antoun. Là encore, tant l’incarnation que la beauté et la subtilité du chant rendent pleinement justice au rôle de Pylade. Le chanteur est touchant et le duo qu’il forme avec Degout fonctionne à plein. En parfait contrepoint, le Thoas de Jean-François Lapointe est tranchant à souhait tandis que les seconds rôles sont parfaitement tenus avec notamment une superbe Diane de Birgitte Christensen (elle chantera Iphigénie pour la deuxième série de représentations).
Le chœur maison est superbe (surtout les voix féminines), tandis que l’orchestre La Scintilla affiche une belle homogénéité où les bois auraient cependant mérité à être davantage mis en valeur. Gianluca Capuano dirige avec relief et intensité mais manque parfois de grandeur tragique au bénéfice de la rondeur. Les terribles chœurs des scythes, avec cymbales omniprésentes, n’impressionnent en conséquence guère. Il n’était de même pas utile de retoucher l’orchestration de Gluck avec des cordes en pizzicato pour accompagner le dernier adieu d’Oreste à Pylade.
Côté scénique, cette nouvelle production est typique du style d’Andreas Homoki : esthétique, carrée, claire mais un peu lisse. L’action se déroule dans une grande boîte noire aux lignes de fuite accentuées et dont les parois se disloquent parfois en failles zébrées (laissant filtrer de beaux éclairages). Malgré des costumes superbes, le dispositif frise la monotonie, surtout que l’opéra est enchaîné sans entracte : l’opéra du XVIIIe siècle est aussi pensé en fonction des pauses, Iphigénie en Tauride n’est pas Elektra ! Une belle direction d’acteurs tente de compenser ce risque sans qu’il ne soit tout à fait écarté.
On reste également réservé quant à la présence excessive des doubles des personnages (Iphigénie et Oreste enfants) ou de Clytemnestre et Agamemnon. La toute fin de l’ouvrage laisse quant à elle circonspect : après qu’Iphigénie a semblé morte, elle se retrouve prisonnière de la Tauride alors que Pylade et Oreste sont partis rejoindre la Grèce, ce qui est tout à fait contradictoire et aux paroles du Deus ex machina (Diane) et à la musique festive finale.
| | |
| | |
|