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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Création mondiale du Soulier de Satin de Marc-André Dalbavie sous la direction du compositeur et dans la mise en scène de Stanislas Nordey à l’Opéra de Paris.
Des bottes de sept lieues
Le déconfinement fait de la création de ce Soulier de satin l'événement impromptu d’une saison avortée. Au-delà des réjouissances, on peut s'interroger sur une partition souvent en simple rideau sonore, avec pour handicap la longueur inouïe du livret inspiré par Claudel. Le plateau a beau mettre les petits plats dans les grands, cette production peine à convaincre.
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Le défi était pourtant à la mesure de l'enjeu : mettre en chant et en scène une pièce dont la durée (une douzaine d'heures) aura déjà largement rebuté bon nombre de spectateurs. On doit à Stéphane Lissner la commande de ce Soulier de satin qui s'inscrit dans une trilogie littéraire, à la suite du Trompe la Mort de Luca Francesconi d'après Balzac et de la Bérénice de Michael Jarrell d'après Racine. Intéressants au premier abord, ces projets font surgir une difficulté majeure en ce qui concerne le conflit entre la puissance de la langue littéraire et sa conversion en livret d'opéra. Dès lors, la langue musicale entre inévitablement en conflit avec le style et le bras de fer se termine fatalement pour les deux adversaires.
Raphaèle Fleury n'a pas opéré dans le texte de Claudel les coupures qui auraient permis d'en dégager sinon le sens, du moins l'atmosphère – ce qui aurait permis à la musique de Marc-André Dalbavie de trouver ses marques. Au demeurant fort peu contrastée et réduite la plupart du temps à un ample et très décoratif rideau sonore, la partition permet une déclamation qui cède une part importante au texte parlé ou dans un style récitatif avec une note tenue comme unique soutien. Le compositeur est aux commandes de cette vaste nef de notes et de mots, dirigeant avec une placidité métronomique des espaces d'une horizontalité explicitement picturale et dramatique.
Impossible dans de telles conditions de dégager une lecture distincte d'une intrigue où quelque quarante rôles se croisent et se combinent, autour des amours impossibles entre Doña Prouhèze et Don Rodrigue. Théâtre dans le théâtre, le Soulier de satin peut se lire également comme une mise scène du langage. Pour son troisième opéra en dix ans, Dalbavie a su comme jamais auparavant dimensionner son écriture à une prosodie sans réelle complexité technique. L'enjeu est parfois périlleux, obligeant les chanteurs à mémoriser un texte parlé et chanté d'une longueur délirante et contraignant à des changements de costumes pour interpréter plusieurs personnages.
La mise en scène de Stanislas Nordey se limite à une circulation de toiles de très grand format, reprenant des détails de chefs-d'œuvre de la Renaissance à l'époque baroque. Certaines images reviennent avec insistance, comme ces profils de gentilshommes espagnols peints par Le Greco (L'Enterrement du Comte d'Orgaz), les Vanitas de Philippe de Champaigne ou encore la Vierge aux rochers de Vinci… Ce décor éphémère et furtif peine à convaincre au-delà de la simple illustration des caractères psychologiques des personnages.
Vocalement, on saluera l'aisance et le brio de Vannina Santoni en Doña Musique et Eve-Maud Hubeaux en Doña Prouhèze. Cette dernière brille dans des interventions relativement exposées et l'élégance des échanges avec le Don Camille de Jean-Sébastien Bou. Assez curieusement, le Don Rodrigue de Luca Pisaroni semble sous-dimensionné par un jeu trop limité et une voix qui peine à s'incarner dans un texte mal ajusté à ses moyens. Béatrice Uria-Monzon doit également puiser dans des ressources d'actrice pour faire oublier une ligne fuligineuse et dangereusement sollicitée.
On retiendra la solidité de Julien Dran en Vice-Roi de Naples et la noblesse de phrasé de Yann Beuron dans le parlé-chanté de Don Pélage. Au timbre timbre scintillant de Camille Poul en Doña Sept-Epées, on ajoutera la présence décalée et remarquable du contre-ténor Max Emanuel Cenčić, tour à tour Ange Gardien, Saint Jacques et Saint Adlibitum, qui réussit ses débuts sous les ors de Garnier.
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Palais Garnier, Paris Le 29/05/2021 David VERDIER |
| Création mondiale du Soulier de Satin de Marc-André Dalbavie sous la direction du compositeur et dans la mise en scène de Stanislas Nordey à l’Opéra de Paris. | Marc-André Dalbavie (*1961)
Le Soulier de satin, opéra en quatre journées
Livret de Raphaèle Fleury, d'après la pièce de Paul Claudel
Création mondiale
Orchestre de l'Opéra national de Paris
direction : Marc-André Dalbavie
mise en scène : Stanislas Nordey
décors : Emmanuel Clolus
costumes : Raoul Fernandez
éclairages : Philippe Berthomé
chorégraphie : Loïc Touzé
vidéo : Stéphane Pougnand
Créateur sonore : Daniele Guaschino
Avec :
Eve Maud Hubeaux (Doña Prouhèze), Luca Pisaroni (Don Rodrigue de Manacor), Marc Labonnette (Le Père jésuite, le Roi d'Espagne, Saint Denys, Don Almagro, Deuxième Soldat), Yann Beuron (Don Pélage), Nicolas Cavallier (Don Balthazar, Saint Nicolas, Frère Léon), Béatrice Uria-Monzon (Doña Isabel, Doña Honoria, La Religieuse), Eric Huchet (Le Sergent Napolitain, Don Rodilard, Le Capitaine, Premier Soldat), Vannina Santoni (Doña Musique, La Bouchère), Max Emanuel Cenčić (L'Ange Gardien, Saint Jacques, Saint Adlibitum), Julien Dran (Le Vice-Roi de Naples, Saint Boniface, Don Ramire), Camille Poul (Doña Sept-Epées), Yann-Joël Collin (L'irrépressible, Don Fernand), Cyril Bothorel (L'annoncier, le Chancellier, Don Léopold), Yuming Hey (Le Chinois, Isidore), Mélody Pini (La Noire Jobarbara, La Logeuse), Fanny Ardant (La Lune, voix enregistrée), Marianne Croux, Andrea Cueva Molnar, Alexandra Flood, Kseniia Proshina, Marie-Andrée Bouchard-Lesieur, Marie Chagnon, Lise Nougier, Cornelia Oncioiu, Ramya Roy (Voix de la procession). | |
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