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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production de Tristan et Isolde dans une mise en scène de Simon Stone et sous la direction de Sir Simon Rattle au Festival d’Aix-en-Provence 2021.
Aix 2021 (3) :
Ceux qui m'aiment prendront le métro
Événement de l’édition 2021 du festival lyrique d’Aix-en-Provence, la mise en scène de Simon Stone bouscule aux entournures ce Tristan et Isolde où Nina Stemme et Stuart Skelton sont fidèles à leur réputation et où Sir Simon Rattle s'oublie dans une beauté plastique sans grand relief avec son London Sympony Orchestra.
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Grand Théâtre de Provence, Aix-en-Provence
Le 08/07/2021
David VERDIER
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Wagner fait son grand retour Ă Aix-en-Provence. HĂ©raut du Ring il y a quinze ans, Simon Rattle revient avec Tristan et Isolde, cette fois Ă la tĂŞte du London Symphony Orchestra. Hasard des calendriers et contraintes sanitaires auront contraint le directeur du festival Pierre Audi Ă programmer deux fois Barrie Kosky (Falstaff et Coq d'or) et Simon Stone (Innocence et Tristan) pour cette Ă©dition 2021.
Très chahutée le soir de la première, cette mise en scène a pourtant le mérite de ne pas manquer d'idées, Simon Stone pensant son Tristan par blocs dramaturgiques pas toujours cohérents, ce qui fait que certains concepts s'épuisent rapidement. L'idée générale est de montrer la déliquescence d'un couple dès une scène muette jouée pendant le prélude. En détournant vers l'anecdotique des relations sociales une attention retenue par l'écoute musicale, la mise en scène ouvre la voie à une longue série d'impulsions et rétractions – sortes de montagnes russes basées sur le principe d'une alternance continue entre réalité vécue et fantasmée.
Ainsi, ce salon bourgeois situé dans une tour parisienne, qui sert de cadre au I et dont les vastes baies vitrées se changent soudain en un vaste horizon marin comme toile de fond des amours tumultueuses des deux amants. Le philtre n'est autre qu'une drogue en sachet que Brangäne aura pris soin de dissimuler dans une boîte à chaussures, préambule à la banalité du II, avec les vastes locaux d'une agence d'architectes où Isolde manage une équipe 2.0 avec Marke en chairman de start-up.
Retour à une réalité traitée en mode hyperréaliste dans un III se déroulant exclusivement dans un wagon de la ligne 11 du métro. On devine avec quelle jubilation un Tcherniakov aurait pu s'emparer d'un tel décor, quand Simon Stone se borne à une suite de scènes fantasmées – meurtre de Tristan par Melot et métro voyageant dans des paysages irlandais. Isolde chante une Liebestod en forme d'adieu à l'amour, retirant son alliance pour la remettre à Tristan et partir au bras de Melot, option scénique plutôt médiocre et assez brouillonne.
Sans surprise, le plateau est dominé de la tête et des épaules par le couple Stemme-Skelton – une domination qui repose exclusivement sur des voix utilisées comme deux valeureux instruments, sans adhésion à des intuitions théâtrales qui auraient pu les rendre plus intéressants. Nina Stemme signe une Isolde au volume remarquable, avec une ligne quasiment sans écueils, à l'exception de certains aigus où le métal se substitue à la chair. Stuart Skelton joue quant à lui sur une projection impressionnante. Le phrasé fait fi de toute attention au texte, perçu comme élément purement musical et performatif.
La Brangäne de Jamie Barton alterne solidité et manque de relief, très loin du Marke blessé et sensible de Franz-Josef Selig, démonstration vivante de ce qu'un grand interprète peut et doit faire dans un répertoire aussi difficile et sollicitant, tandis que le Kurwenal un peu rigide de Josef Wagner se tire plutôt bien du traitement scénique qui semble lui prêter très peu d'attention.
Le London Symphony Orchestra trouve en Simon Rattle un chef qui connaît comme nul autre l'art de faire ressortir les effets et les couleurs. Ce Wagner ultra symphonique pourra séduire par sa capacité à noyer l'action sous une ligne uniformément glamour et sonore. On peine pourtant à trouver ici la densité (cordes et petite harmonie) et les subtilités (le cor anglais !) qui exigeraient de la battue qu'elle limite parfois le volume, gagne en caractère et laisse enfin les voix dialoguer la fosse avec plus de naturel et de spontanéité.
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