|
|
CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
|
Nouvelle production de Tristan und Isolde dans la mise en scène de Krzysztof Warlikowski et sous la direction de Kirill Petrenko au festival de Munich 2021.
Munich 2021 :
Un Tristan historique
C’est le Tristan de tous les superlatifs, le rendez-vous coché depuis des mois sur les agendas des lyricomanes. Et pour les artistes qui y participent, un projet qui sonne comme l’aboutissement de plusieurs années de travail avec des prises de rôle de belle envergure dans des carrières déjà remarquables placés sous la baguette souveraine de Kirill Petrenko.
|
|
Bons baisers d’Eltsine
RĂ©gal ramiste
L'Étrange Noël de Mrs Cendrillon
[ Tous les concerts ]
|
La crise sanitaire est venue s’ajouter à l’excitation de la billetterie en menaçant jusqu’au dernier moment ce Tristan munichois, contraignant les organisateurs à prélever la moitié des places constituant la jauge complète. Diffusée en streaming urbi et orbi et sur l’écran géant installé Marstallplatz, la représentation conclut en beauté le festival de la Staatsoper tout en saluant la fin du mandat de Nikolaus Bachler et Kirill Petrenko.
La mise en scène, confiée à Krzysztof Warlikowski, joue sur un contraste évident entre l’immensité des décors, le recours à des séquences vidéo et un rythme général au premier abord très statique. La scénographie repose sur des détails volontairement ténus et en lien étroit avec une partition dont ils extraient toute la dimension métaphysique. L’action se déroule entre deux points de focale : une armoire à pharmacie (à jardin) et le célèbre divan de Freud (à cour) – liant dramaturgique entre philtre amour-mort et métaphore psychanalytique.
Isolde est un personnage au caractère et à l’autorité très affirmée, en jeux de soumission et de domination imposés à Tristan dont le profil d’officier subalterne du roi Marke accentue l’effet. Les rapports de force s’inversent au III. La vidéo montre durant tout le II le couple dans une chambre d’hôtel, s’allongeant pour une mort d’amour à deux où l’enjeu consiste à partager une injection létale. En brouillant les frontières entre onirisme et réalité, Warlikowski introduit une dimension fluctuante qui épouse au plus près tout le tissu musical du duo d’amour.
Au confluent de la nostalgie et de l’alanguissement mortifère, il crée un espace où le couple amoureux vit sa passion sous le regard impuissant de Marke et les tentatives avortées de Kurwenal et Brangäne pour les ramener à la réalité. Vocalement, les interprètes font exister leurs personnages au-delà des apparences et des conventions, propulsant la soirée à des hauteurs rarement atteintes.
On reste subjugué par la perfection de Jonas Kaufmann, Tristan dont la vérité du jeu se combine aux qualités du chant. La ligne est souveraine, sans jamais confondre le volume dans l’urgence de l’expression et la clarté du mot, et son agonie bouleversante, quand le flux orchestral le porte hors de lui-même. Prenant à revers ses détracteurs, Anja Harteros impose une Isolde idéale. La projection ne souffre d’aucune baisse de régime, avec un art consommé des couleurs et des inflexions. Elle est cette jeune fille révoltée que la passion déchire dans une mort et une transfiguration d’anthologie.
Le Kurwenal irascible et nerveux de Wolfgang Koch et l’exceptionnelle Brangäne de Okka von der Damerau créent une impression dont le sillage dramaturgique et le raffinement vocal laissent un brûlant souvenir. À une telle hauteur d’interprétation, on pourrait trouver à Mika Kares des carences dans la projection, mais la palette de nuances et la diction sont telles.
Cette lecture doit son équilibre et son aboutissement à la performance de Kirill Petrenko, dont l’ultime apparition en tant que directeur musical de l’Orchestre de la Staatsoper touche ici à une perfection absolument inouïe. Jamais auparavant les plans sonores n’avaient atteint un tel degré de lisibilité et de nuance, avec un horizon musical qui va sans cesse s’élargissant et ouvre à l’écoute en salle une émotion et un trouble incommensurable. Une soirée historique à tous les niveaux.
| | |
|
Nationaltheater, MĂĽnchen Le 31/07/2021 David VERDIER |
| Nouvelle production de Tristan und Isolde dans la mise en scène de Krzysztof Warlikowski et sous la direction de Kirill Petrenko au festival de Munich 2021. | Richard Wagner (1813-1883)
Tristan und Isolde, action dramatique en trois actes (1865)
Livret du compositeur
Chor der Bayerischen Staatsoper
Bayerisches Staatsorchester
direction : Kirill Petrenko
mise en scène: Krzysztof Warlikowski
décors et costumes: Małgorzata Szczęśniak
Ă©clairages : Felice Ross
vidéo: Kamil Polak
préparation des chœurs : Stellario Fagone
Avec :
Jonas Kaufmann (Tristan), Anja Harteros (Isolde), Okka von der Damerau (Brangäne), Mika Kares (König Marke), Wolfgang Koch (Kurwenal), Sean Michael Plumb (Melot), Dean Power (Der Hirt), Christian Rieger (Ein Steuermann), Manuel Günther (Ein junger Seemann). | |
| |
| | |
|