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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Liederabend du ténor Benjamin Bernheim accompagné au piano par Mathieu Pordoy au festival de Salzbourg 2021.
Salzbourg 2021 (2) :
Sauvé des eaux
Sauvetage providentiel que la venue du rare Mathieu Pordoy au secours de Benjamin Bernheim, que les mesures sanitaires à l’encontre des États-Unis avaient à quelques jours du terme privé de sa pianiste Carrie-Ann Matheson. Élégance française pour ce programme où la pudeur du chef de chant rehausse la prestation non dénuée de facilités du ténor.
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Les Français ont la double réputation d’être raffinés et superficiels. Voilà de quoi nourrir le débat. Au-delà du thème, relativement passe-partout, de l’amour perdu, on peine à saisir une organisation profonde entre Chausson, Clara Schumann-Brahms et Britten-Bridge dans ce Liederabend à la Haus für Mozart de Salzbourg.
Finir sur le triomphal Love went a-riding est déjà en soi un lieto fine inattendu dans un programme désespéré – Poème de l’amour et de la mer, certains Schumann, Brahms (et surtout Immer leiser et Auf dem Kirchhofe), Britten. Le choix des bis confirme cette coquetterie : Morgen! de Strauss et Pourquoi me réveiller ? de Massenet, le premier tout en bonheur, le second hors de propos (certes, Goethe, mais de l’opéra tout de même), pure concession à la vocalité.
On connaît les immenses qualités du ténor français en lyrique ; dans la mélodie, son art appellerait quelques réserves stylistiques. D’abord, la diction française de haut vol – et tout aussi soignée dans les trois langues – n’est pas impeccable au point de pouvoir se passer totalement du texte. Puis il y a des facilités qui hors de la scène sont des scories et déçoivent chez un artiste aussi maître de son instrument : prises par dessous amorties sur les grands aigus, absence de vibrato et timbre spectral sur les nuances ténues. La couleur (très habile mixage de la voix de tête, aussi convaincant techniquement qu’artistiquement) n’est pas en cause, mais une manière téléphonée d’y recourir.
Si Chausson, vocalement incontestable, ne manque que d’un peu de simplicité, en revanche Clara Schumann tire vers un italianisme lyrique, salonnard, enrobé, plus loin des recherches littéraires dans le sillage de Robert que de l’ample ligne de musique pure de Brahms, plus évidente dans le phrasé généreux du ténor, à son plus convaincant. Britten balance entre distinction et composante folk, et quelques fautes de texte (malgré la partition) laissent une impression de pilotage automatique. À l’image d’un détail parlant : les (redoutables) valeurs rythmiques écourtées à la fin de Morgen!, avec une franche respiration hors tempo, juste pour le confort, altérant la tension vers l’éternité voulue par le compositeur.
Reste le piano irréprochable de Mathieu Pordoy, tout en probité et finesse, qui, avouons-le, nous a rappelé les plus riches heures d’une certaine école britannique d’accompagnement. Dans des nuances impalpables, une clarté des plans sonores permanente, ne couvrant pas une syllabe, musical jusqu’au bout des doigts, soignant en orfèvre l’inflexion et la couleur de chaque note, il ne cache pourtant jamais derrière un rubato narcissique la pure élocution de la partition : ou comment se mettre au service de la musique.
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Haus fĂĽr Mozart, Salzburg Le 15/08/2021 Thomas COUBRONNE |
| Liederabend du ténor Benjamin Bernheim accompagné au piano par Mathieu Pordoy au festival de Salzbourg 2021. | Ernest Chausson (1855-1899)
Poème de l’amour et de la mer op. 19
Clara Schumann (1819-1896)
Liebst du um Schönheit, op. 12 n° 4
Warum willst du and’re fragen, op. 12 n° 11
Sie liebten sich beide, op. 13 n° 2
Ich stand in dunklen Träumen, op. 13 n° 1
Johannes Brahms (1833-1897)
Die Mainacht op. 43 n° 2
Dein blaues Auge op. 59 n° 8
Immer leiser wird mein Schlummer op. 105 n° 2
Auf dem Kirchhofe op. 105 n° 4
Benjamin Britten (1913-1976)
The Salley Gardens
The Last Rose of Summer
Frank Bridge (1879-1941)
Love went a-riding
Benjamin Bernheim, ténor
Mathieu Pordoy, piano | |
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