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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Reprise au festival d’été de Salzbourg du Trionfo del tempo et del disinganno de Haendel du festival de Pentecôte dans la mise en scène de Robert Carsen et sous la direction de Gianluca Capuano.
Salzbourg 2021 (4) :
Les illusions perdues
Embarras devant la proposition intelligente, maîtrisée et pleine de talents de ce Trionfo del tempo e del disinganno par le tandem Carsen-Capuano : une certaine lassitude se fait jour à revoir inlassablement les mêmes ficelles en même temps que s’imposent les limites d’une conception quelque peu réductrice d’une œuvre passionnante.
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Il n’y a rien d’évident à mettre en scène le répertoire allégorique baroque ; plus encore qu’à l’opéra, les enjeux, la dialectique y sont d’un autre temps. La proposition de Robert Carsen – la Beauté et la vie qui doit aller avec, ici un télécrochet de mannequinat et la carrière attenante – a la force de l’évidence. Que le jury se divise sur le contrat signé précipitamment avec le Plaisir est un expédient parfait à la dispute de Piacere, Tempo et Disinganno, autrement bien abstraite.
Pourtant, alors que Carsen lui-même revendique comme originalité de l’œuvre qu’elle débat sans Dieu ni Diable, il représente le Plaisir sous les traits d’une Bartoli autoritaire, manipulatrice et toxique. Ce regard moral efface un arrière-plan considérable de la pensée de l’époque. C’est un débat vieux comme le monde (de Sénèque à Camus) de savoir comment surmonter la terrible brièveté de la vie : avec ou contre le plaisir.
On pourra trouver cette lecture réductrice à cet endroit : une fois que Bellezza a réalisé que le temps passait vite, le Plaisir ne peut plus être qu’une mauvaise chose. Du reste, certains tics du metteur en scène lassent, l’inévitable orgie à la cocaïne, la sempiternelle esthétique porno chic, les couleurs manichéennes, même si rocafilm assure une présence fluide et enlevée de la vidéo. Présenter comme « miroir de la vérité » le reflet du public de Salzbourg laisse rêveur, et l’image la plus forte restera plutôt la disparition de la scénographie, Bellezza abandonnant finalement la Haus für Mozart nue.
La fosse est animée de l’électricité de Gianluca Capuano à la tête de Musiciens du Prince-Monaco hauts en couleurs, mais frénésie n’est pas rythmicité, et une tenace fragilité de tempo plane sur la soirée, qui vocalisant trop lentement, qui y allant de son décalage ou de son ralenti pour retomber sur ses pattes après un départ trop rapide, telle page lente rhapsodique, telle cadence déstructurée.
On perçoit au passage de nombreuses limites chez les chanteurs, Bartoli en tête pour une fois, en difficulté sur les coloratures diaboliques, moins onctueuse qu’ailleurs, mais merveilleuse de phrasé quitte à prendre le tempo en mains à la place du chef (Lascia la spina). Si Regula Mühlemann est à la peine dans le grave, la facilité du reste de la voix confère au personnage la séduction et la superficialité adéquates, même si l’on aimerait davantage d’évolution au fil de l’ouvrage.
La belle envergure de Charles Workman, Temps souverain, clairvoyant et auguste, s’avère légèrement encombrante dans les passaggi, mais toujours dans une diction franche qu’il faut saluer. Quant au contre-ténor compliqué de Lawrence Zazzo, au prix de beaucoup d’artifices techniques et de contorsions vocaliques pour contourner un vibrato encombrant et un legato défaillant, il offre la plus belle page d’intériorité murmurée de la soirée dans Crede l’uom ch’egli riposi.
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