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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production de Guerre et Paix de Prokofiev dans une mise en scène de Calixto Bieito et sous la direction d'Alejo Pérez en ouverture de saison du Grand Théâtre de Genève.
Totems et tabous
Pour sa première scénique suisse, Guerre et Paix de Prokofiev est confié à Calixto Bieito dont la vision violente transfigure un ouvrage donné dans sa version complète en 13 actes. Alejo Pérez porte à ébullition un Orchestre de la Suisse Romande et un plateau pléthorique dominé par la Natacha de Ruzan Mantashyan et le jeune Björn Bürger en Andreï.
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La saison genevoise 2021-2022 ouvre avec le monumental et épique Guerre et Paix de Prokofiev. Sous le mandat d'Aviel Cahn, Calixto Bieito était régulièrement invité à l'Opéra des Flandres. En renouvelant sa fidélité au metteur en scène espagnol, le nouveau directeur du Grand Théâtre fait coup double avec un ouvrage à la dimension d'un talent dramatique hors norme et l'occasion de faire découvrir son travail au public suisse.
Bieito et sa scénographe Rebecca Ringst font le choix d'un décor unique pour offrir une forme de continuité à un livret qui peine parfois à rendre la dimension et la multiplicité de la trame romanesque de Tolstoï. L'action se déroule entre ces hauts murs rouges et blancs couverts de velours et de décors rocaille, avec des atlantes soutenant un plafond richement orné – dans la plus pure tradition des palais impériaux russes et des scénographies carton-pâte.
Ce décor en trompe-l'œil se révèle dès la première scène, avec une aristocratie que Bieito montre sous des bâches plastiques comme un mobilier social asphyxié par ses scrupules, tandis que le couple Natacha-Andreï déchire le voile pour chanter son amour. Ce lieu unique est celui de l'enfermement et de l'agonie d'une société placée en miroir de celle décrite par Buñuel dans L'Ange exterminateur. En effaçant les transitions entre les scènes et les rôles, Bieito dynamise une action où la guerre est avant tout une lutte interne et psychologique.
La trame historique n'est pas prédominante dans la mesure où ni la campagne de Russie de Napoléon (ou le parallèle avec l'invasion de l'URSS par l’Allemagne nazie en 1941) ne sont littéralement mis en scène. La seconde partie montre la guerre par des amoncellements de meubles et des parois disloquées. L'attention converge vers le personnage de Natacha, victime expiatoire et proie que se disputent une longue liste de prétendants saisis dans ce huis-clos étouffant et cruel. La conclusion achoppe musicalement sur la très stalinienne ode au Général Koutouzov, que Bieito imagine en Dieu jouant aux échecs, avec une masse chorale uniforme et l'allusion ambiguë à un peuple de sauterelles, nouveau fléau ou métaphore du bouillonnement vital.
Les quelque 66 rôles chantés bénéficient d'une distribution prestigieuse, dominée par Ruzan Mantashyan, Natasha Rostova à la ligne très déliée et sonore. Le jeune Björn Bürger brille également en Prince Andreï Bolkonski face à Daniel Johansson, idéal d'impact et de projection en Comte Pierre Besoukhov. Dmitry Ulyanov incarne la fermeté et l'autorité du Général Koutouzov, tandis que le Prince Nikolaï Bolkonski est confié au timbre abyssal d'Alexey Tikhomirov, et la Princesse Maria Bolkonski aux interventions très contrastées de Liene Kinča. Seul le Napoléon Bonaparte d'Alexey Lavrov pourra sembler gêné aux entournures par une surface vocale assez neutre.
Augmenté d'un grand nombre de choristes supplémentaires, le Chœur du Grand Théâtre de Genève trouve en seconde partie l'occasion de faire entendre une puissance que la séparation jardin-cour limitait avant l’entracte. Le chef d’orchestre argentin Alejo Pérez distille également des accents épiques et fougueux dans le développement de la première partie et dans les scènes de guerre, hissant l'Orchestre de la Suisse Romande à des hauteurs expressives qui jouent avec la rutilance des timbres et l'énergie des lignes mélodiques.
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Grand Théâtre, Genève Le 13/09/2021 David VERDIER |
| Nouvelle production de Guerre et Paix de Prokofiev dans une mise en scène de Calixto Bieito et sous la direction d'Alejo Pérez en ouverture de saison du Grand Théâtre de Genève. | Sergei Prokofiev (1891-1953)
Voyna i mir, opéra en treize actes op. 91
Livret du compositeur et de Mira Mendelson d’après le roman de Léon Tolstoï
Chœur du Grand Théâtre de Genève
Orchestre de la Suisse romande
direction : Alejo PĂ©rez
mise en scène : Calixto Bieito
scénographie : Rebecca Ringst
costumes : Ingo KrĂĽgler
Ă©clairages : Michael Bauer
vidéos : Sarah Derendinger
préparation des chœurs : Alan Woodbridge
Avec :
Björn Bürger (Prince Andreï Bolkonski), Alexey Tikhomirov (Prince Nikolaï Bolkonski), Liene Kinča (Princesse Maria Bolkonski), Eric Halfvarson (Comte Ilia Rostov), Ruzan Mantashyan (Natasha Rostova), Lena Belkina (Sonia, sa cousine), Daniel Johansson (Comte Pierre Besoukhov), Elena Maximova (Comtesse Hélène Besoukhova), Natascha Petrinsky (Maria Akhrossimova), Ales Briscein (Anatole Kouragine), Alexey Shishlyaev (Dolokhov), Dmitry Ulyanov (Général Koutouzov), Alexey Lavrov (Napoléon Bonaparte), Alexander Roslavets (Colonel Denisov), Alexander Kravets (Platon Karataïev), Alexei Botnarciuc (Gavrila). | |
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