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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Reprise d’Iphigénie en Tauride de Gluck dans la mise en scène de Krsysztof Warlikowski sous la direction de Thomas Hengelbrock à l’Opéra de Paris.
Coup de vieux
Reprise bien tiède de la production iconique en son temps d’Iphigénie en Tauride par Warlikowski. Entre les faiblesses musicales et les réserves inhérentes aux contraintes de la nouvelle distribution, les limites du dispositif scénique se font criantes dans un spectacle qui n’emporte guère l’enthousiasme et laisse un arrière-goût de déception. Mélancolie…
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Nous retrouvons la célèbre production Warlikowski d’Iphigénie en Tauride, étrennée en 2006, à la fin de la deuxième saison de l’ère Mortier, encore auréolée d’une réputation de scandale et de miracle. On admire toujours l’intelligence de l’approche onirique, superposant plusieurs lieux, plusieurs temporalités, plusieurs virtualités des personnages, et la proposition forte de la figure de la vieille femme, qui met en perspective le mythe avec la famille moderne, avec les problématiques de la mémoire, de la guérison du traumatisme, du pardon.
Mais le diable est dans les détails. Il y a d’abord, et c’est primordial dans cette œuvre, un chœur assez rédhibitoire, sauf dans les éclats les plus explosifs des hommes et du chœur final. Épais, inerte, brouillon, plus de vibrato que de matière ou de mots ; c’est incompréhensible pour la plus grande maison d’opéra du pays. Le tout avec partitions et masques, et pas ensemble.
Ensuite, la direction morne de Thomas Hengelbrock, dont les options semblent se borner à des ralentis dans les récitatifs, peut-être aussi par le fait d’un Orchestre de l’Opéra monochrome dans ce répertoire, pas une couleur qui ressorte de cordes antiseptiques. Gluck n’est ni Lully ni Wagner ; la substance de sa tragédie réside dans un lien fragile entre texte et musique, souvent antithéâtral (le lumineux J’ai perdu mon Eurydice en est l’illustration parfaite) et ne permet ni les seuls effets théâtraux ni l’approche purement symphonique. Il y faut une intensité subtile du phrasé, du galbe des mots et de la couleur de la ligne.
De ce point de vue, le Pylade de Julien Behr s’en sort avec les honneurs, diction limpide et beau style français, se laissant seulement parfois déborder par la course aux décibels de ses partenaires dans un rôle de ce point de vue extrêmement périlleux. L’Oreste de Jarrett Ott, impliqué, capable d’éclats et de velours, et à l’occasion d’une déclamation très musicale, ne manque que d’un peu de style pour être vraiment captivant. Si le Thoas sous stéroïdes de Jean-François Lapointe ne demeure qu’un exécrable tyran sanguinaire, rétif à toute empathie, la touchante Tara Erraught insuffle beaucoup d’engagement et un matériau rond, clair et vibrant à une Iphigénie juvénile, éperdue, au chant ouvragé, dans un français exotique mais tout à fait soigné.
Mais une direction d’acteurs en roue libre sans doute imputable à la reprise tranche sur les vidéos millimétrées des meurtres des Atrides ; la superposition artificielle de la maison de retraite, des commandos, de la prison ressort d’autant plus cruellement qu’il n’est plus ici question de dédoublement d’Iphigénie entre la plantureuse chanteuse tout en rondeurs et en bonhomie, et la figuration anguleuse d’Agata Buzek. Ou comment effondrer une idée forte. C’est sans doute le solo dansé de Claudette Walker qui marquera le plus dans cette représentation où plane l’ombre d’un passé glorieux : la maison de retraite est devenue un EHPAD au personnel affublé de masques chirurgicaux. Est-ce le spectacle ou le monde qui a pris un coup de vieux ?
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