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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Mise en espace de Partenope de Haendel sous la direction de William Christie dans le cadre du Jardin des voix à la Cité de la musique, Paris.
Révélation au jardin
La présentation de la dixième promotion du Jardin des voix de William Christie et Paul Agnew prend cette année la forme d’une version mise en espace de l’irrésistible comédie de Haendel, Partenope. Les difficultés de la partition révèlent un contre-ténor britannique, Hugh Cutting, à la voix de miel, sachant se montrer à la foi incisif et rêveur.
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En offrant un opéra de Haendel aux participants du Jardin des voix 2021, les codirecteurs William Christie et Paul Agnew célèbrent avec éclat cette dixième édition et le vingtième anniversaire de l’académie. Si Partenope est sans conteste l’un des chefs-d’œuvre du compositeur, il n’en est pas moins difficile à interpréter, requérant de très fortes qualités de comédien et de chanteur.
Sophie Daneman, elle-même chanteuse vedette des Arts florissants durant les années 1990, a excellemment préparé les chanteurs à jouer cette comédie réjouissante. Sa mise en espace tire pleinement partie de leur énergie juvénile et les fait bouger à tout instant, tourner autour de l’orchestre, bondir sur les estrades, jouer avec quelques accessoires dont d’immenses dés de couleur pour figurer les combats de manière assez potache. Nos jeunes artistes maîtrisent cette chorégraphie virevoltante ainsi que l’ambitus des états d’âme qu’ils doivent exprimer. Comédiens accomplis, ils se présentent tous complètement affranchis des limites dramatiques du concert.
Cette unanimité contagieuse ne trouve pas tout à fait sa correspondance sur le plan vocal, c’est le lot des académies de chanteurs. Sans doute, les exigences de l’écriture haendélienne sont-elles particulièrement cruelles. Avec un seul air, l’Ormonte de Matthieu Walendzik n’a pas le temps d’imposer une présence un peu courte de timbre. Bouillonnant Emilio, Jacob Lawrence sacrifie la rigueur. Contre-ténor de caractère, Alberto Miguélez Rouco a beaucoup plus de personnalité en Alberto mais butte sur la longueur de souffle requise.
Ce n’est pas le cas de la Partenope d’Ana Vieira Leite, toutefois son soprano sonne de manière charmante mais aussi sans grande projection, plus celui d’une très jeune fille que celui d’une reine. La Rosmira / Eurimène d’Helen Charlston révèle une fréquentation assidue de l’univers haendélien. Les belles couleurs moirées de son timbre s’épanouissent au fur et à mesure du concert.
Crâneur, bombant le torse dès l’ouverture de l’opéra, Hugh Cutting, tout Arsace qu’il est, ne fait pas mentir la réputation du Jardin des voix. Après Christophe Dumaux ou Marc Mauillon, Sondra Yoncheva ou Eva Zaïcik, le voilà propulsé révélation vocale. Une belle voix de contre-ténor, qui marque par son homogénéité et par sa projection. Encore au studio du Royal College of Music de Londres, il montre une versatilité admirable.
Voix conquérante, il sait convaincre de son ambigüité sentimentale face aux deux héroïnes. Mais le coup de grâce qui fait chavirer, c’est l’aria Ch’io parta ? Si crudele du III : alors qu’Asarce s’endort, la voix d’alto emplit sans chichi l’acoustique de la salle, atteignant un équilibre miraculeux entre le sens éploré des paroles et une ligne vocale préservée. Une poétique nocturne à l’état pur.
Maître d’œuvre bienveillant, passeur entre les générations, William Christie a coupé ici et là (le personnage de Partenope a perdu peut-être son plus bel air), adoucit encore les tempos, veille à l’équilibre voix-orchestre selon les possibilités de chacun. Pour autant, il sait aussi graduer l’action, souligner les variations de climat. Sous sa baguette, Partenope garde toute sa fraîcheur.
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