|
|
CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
|
Nouvelle production de Stiffelio de Verdi dans une mise en scène de Bruno Ravella et sous la direction d'Andrea Sanguineti à l'Opéra national du Rhin.
Le grand pardon
À Strasbourg, l'Opéra du Rhin propose en première française Stiffelio de Verdi, avec un plateau vocal dominé par Jonathan Tetelman (Stiffelio) et Hrachuhà Bassénz (Lina). La direction d'Andrea Sanguineti donne à l'Orchestre symphonique de Mulhouse la carrure pour accompagner ce drame romantique entre fidélité et trahison.
|
|
Bons baisers d’Eltsine
RĂ©gal ramiste
L'Étrange Noël de Mrs Cendrillon
[ Tous les concerts ]
|
Stiffelio est un opéra très rare qui tomba dans l'oubli et dut attendre 1968 pour revoir le jour au Teatro Regio du Parme. Dernier ouvrage des années de galère du compositeur, l'œuvre succède à Luisa Miller et précède la célèbre trilogie Rigoletto-Trouvère-Traviata dont l'ombre finit par faire disparaître Stiffelio… sans parler de la censure qui fit pression pour modifier un sujet évoquant un pasteur dont l'épouse le trompe avec un homme abusant de sa crédulité.
Ledit pasteur du rôle-titre est fondateur et dirigeant de la secte protestante imaginaire des Ashavériens installée près de Salzbourg au XIXe siècle. Sa femme Lina le trompe avec un nobliau local, Raffaele di Leuthold, provoquant chez Stiffelio une colère qui ébranle ses convictions et manque de le faire basculer dans une vengeance contraire à sa foi. La mise en scène de Bruno Ravella force le trait pour confondre la communauté des Ashavériens avec celle des Amish, dont l'austérité est montrée dans un vaste décor au milieu duquel la communauté se presse dans une église en simple maison de planches.
À l'arrière gronde un très métaphorique orage, annonciateur des tourments et des crises, avec au dernier acte l'église-arche de Noé sur des flots noirs. Les fidèles veulent lapider l'épouse infidèle mais Stiffelio parvient à les retenir au dernier moment et à accorder son pardon, avec ses faux airs d’Eli Sunday dans le film There Will Be Blood – référence explicite avec la croix taillée à même le mur de l'église en bois.
Dans la fosse, Andrea Sanguineti dirige avec un soin amoureux une partition qui, redisons-le, appartient tout entière au très bon Verdi, et l’Orchestre symphonique de Mulhouse y sonne glorieusement. Le Chœur de l’Opéra national du Rhin se montre lui aussi à la hauteur de l’enjeu, en ce 10 octobre qui marque aussi l’anniversaire du compositeur natif de Busseto. Le chef italien donne aux forces en fosse et sur scène une carrure confortable qui sait jouer avec l'énergie et le brio des pupitres pour élever le discours dans un flux tendu de sentiments et d'effets.
Le rôle-titre est tenu par Jonathan Tetelman qui fait ses débuts à Strasbourg et dans cet opéra. Sans atteindre les Domingo et Carreras dont le disque a su conserver le souvenir, la prestation du ténor américain laisse entendre des aigus qui passent en force mais servent une ligne dramaturgique très affirmée. La Lina véhémente et contrastée de Hrachuhà Bassénz surprend par une projection qui exprime une présence remarquable d'un bout à l'autre de l'ouvrage.
Dario Solari n'a pas la surface vocale suffisante pour se hisser à cette hauteur d'expression ; son Stankar reste dans une dimension très univoque malgré l'épaisseur du rôle. Önay Köse (Jorg) et Tristan Blanchet (Raffaele) complètent de belle manière ce plateau avec des caractères de composition, respectivement opposés dans la bonté et la veulerie.
| | |
| | |
|