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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Création mondiale des Éclairs de Philippe Hersant dans une mise en scène de Clément Hervieu-Léger et sous la direction d’Ariane Matiakh à l’Opéra Comique, Paris.
Éclairs sans foudre
Les Éclairs est l’occasion d’une nouvelle manière pour Philippe Hersant, d’une simplicité naïve qui offre une prosodie parfaite pour une très belle équipe de chanteurs. Jean Échenoz passe sous les fourches caudines de l’opéra, y laissant un peu de subtilité tout en conservant son humour. Le tout fidèlement servi par la mise en scène de Clément Hervieu-Léger.
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D’un roman sans aucun dialogue faire un livret d’opéra. Telle est la gageure de Jean Échenoz avec son propre livre, Des éclairs, qui romance la vie du génial inventeur Nikola Tesla, père du courant alternatif et amoureux des pigeons, immigré serbe aux États-Unis. L’opéra retranche et ajoute à l’intrigue et aux personnages, en particulier avec un second personnage féminin, Betty, une journaliste, « la première dans la profession », dont la situation et le discours ne s’accordent pas vraiment aux années 1880.
Le personnage principal, Gregor (Nikola Tesla), apparaît dans ce « drame joyeux » beaucoup plus positif que dans le roman, dans un monde plus manichéen également. Ce livret d’opéra se déploie de manière ultra-classique, dans un style très XIXe, en concordance avec l’époque des faits, avec alternance de solos, duos et ensemble sous forme de courtes scènes, comme des numéros.
Le livret était déjà écrit quand Philippe Hersant a accepté d’en composer la musique pour l’Opéra Comique. Auteur de plusieurs œuvres scéniques, il a pris la mesure de ce qui s’apparente presque à un scénario de film. Recourant à de courtes cellules rythmiques qui traversent les scènes de manière parfois répétitive, le compositeur semble avoir à cœur de donner une impression de vitesse.
Une orchestration légère avec une quarantaine de musiciens fait la part belle aux bois et aux cuivres, magnifiquement joués le Philharmonique de Radio France sous la baguette fluide d’Ariane Matiakh. Des citations appuyées (Nouveau monde de Dvořák), populaires (musique des Balkans, chants de Noël), une imitation des styles jazzy ou de la comédie musicale sont utilisées avec une simplicité déconcertante, dans la recherche assez réussie d’une certaine naïveté américaine.
Cet orchestre laisse la préséance au chant. Le recours à des tessitures réduites favorise une compréhension parfaite du texte souvent tourné en alexandrins libres. L’absence de tensions vocales permet un lyrisme lumineux pour les femmes – superbes Marie-Andrée Bouchard-Lesieur et Elsa Benoit – mais rend les rôles masculins trop lisses, en dépit des qualités des interprètes, à l’exception peut-être du très noir Thomas Edison (excellent André Heyboer). La même simplicité prévaut pour le chœur (Aedes, parfait) qui intervient dans l’action ou la commente. On peut regretter cette nouvelle manière du compositeur qui nous avait habitué à une écriture chorale autrement inventive.
Clément Hervieu-Léger a pris toute la mesure du fondu-enchaîné requis. Une skyline naïve, quelques passerelles ou parties de décors coulissantes suffisent à rendre l’action limpide. Une direction d’acteur précise, des costumes très justes inscrivent l’opéra dans notre imaginaire. En revanche, les éclairages semblent privilégier le noir, ce qui surprend pour une histoire d’électricité. Les quelques expériences ne sont pas vraiment électrisantes ou horrifiantes, la faute aussi à des bruitages paresseux et une musique très figurative dans ces passages.
En définitive, l’humour typique d’Échenoz qui transparaît dans les trois premiers actes donne son individualité à ce nouvel opéra. Au IV, une mélancolie sourde se glisse dans le lyrisme parfaitement porté par l’interprète principal, le baryton Jean-Christophe Lanièce qui semble rejoindre les pigeons dans la lumière.
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