|
|
CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
|
Concert des Berliner Philharmoniker sous la direction de Kirill Petrenko au Festspielhaus de Baden-Baden.
Perfection paralysante
Des Berliner renversants de maîtrise instrumentale, de cohésion, d’engagement, et un chef, Kirill Petrenko, tout aussi maître de son art, au point de faire tourner le concert en une démonstration non dénuée d’une froide perfection. Si l’Écossaise de Mendelssohn en sort presque indemne, le résultat est plus discutable pour la Dixième de Chostakovitch.
|
|
Bons baisers d’Eltsine
RĂ©gal ramiste
L'Étrange Noël de Mrs Cendrillon
[ Tous les concerts ]
|
La venue des Berliner Philharmoniker à Baden-Baden en automne n’est pas habituelle, et c’est un véritable cadeau que nous propose le Festspielhaus de Baden-Baden qui a repris ses activités à plein régime mais avec une jauge limitée. Kirill Petrenko est un drôle de personnage : sous des atours de petit garçon souriant, il affiche une maîtrise impressionnante. À travers une gestique sobre, tout semble parfaitement sous contrôle et supérieurement pensé, longuement mis au point et répété. C’est l’antithèse de Rattle qui, à la tête de ce même orchestre, semblait inventer sa direction sur le vif et surprendre ses musiciens.
Ici, le premier thème de la Troisième Symphonie de Mendelssohn est joué à mezza voce et la suite ne verra aucune emphase, le Scherzo est affuté et aérien à souhait, l’Adagio voit quant à lui ses thèmes magnifiquement galbés aux violons sans une once de sentimentalisme, enfin l’Allegro conclusif est énergique mais sans débordements. Lecture classique ? Certes, d’autant que l’effectif est relativement réduit – trois contrebasses pourtant admirablement présentes. Petrenko ne cherche en tout cas pas à renforcer les contrastes ou le pittoresque et sa lecture capte l’oreille à défaut de toujours captiver du fait d’une sensation de mise à distance qui ne se dissipe véritablement que dans le maestoso final.
Avec la Symphonie n° 10 de Chostakovitch, les Berliner se montrent tout aussi prodigieux que chez Mendelssohn et Petrenko dirige, à l’image d’un Mravinski, sans pathos aucun. Si le Moderato liminaire est superbement ténébreux, le spectaculaire deuxième mouvement claque magnifiquement et cloue au fauteuil. Le troisième bénéficie d’un soin infini dans les phrasés et les dynamiques, qui met particulièrement en valeur l’écriture ciselée avec notamment le célèbre motif DSCH énoncé à plusieurs reprises par les cordes ou les bois. Ceux-ci, très sollicités, se montrent tout aussi glorieux dans l’Andante-Allegro final qui, comme chez Mendelssohn, ne décolle vraiment que dans les derniers instants.
Car, il faut bien l’avouer, le contrôle permanent de Petrenko sur ses musiciens semble paralyser le discours : les sentiments de gravité, d’étouffement, d’inquiétude que doivent transmettre cette musique paraissent ici curieusement à la marge au profit d’un exercice de style admirablement réalisé, presque trop esthétique (ce qu’un émoussement des contrastes et une gestique curieusement ronde, élégiaque voire dansante illustrent) et évacuant une dimension cruciale chez Chostakovitch : l’ironie.
Au final, un sentiment frustrant, entre les sonorités d’un orchestre prodigieux et un chef contrôlant tout au point d’étouffer les sentiments.
| | |
|
Festpielhaus, Baden-Baden Le 07/11/2021 Pierre-Emmanuel LEPHAY |
| Concert des Berliner Philharmoniker sous la direction de Kirill Petrenko au Festspielhaus de Baden-Baden. | Felix Mendelssohn-Bartholdy (1809-1847)
Symphonie n° 3 en La mineur op. 56 « Écossaise »
Dmitri Chostakovitch (1906-1975)
Symphonie n° 10 en mi mineur op. 93
Berliner Philharmoniker
direction : Kirill Petrenko | |
| |
| | |
|