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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Nouvelle production de Wozzeck de Berg dans une mise en scène de Michel Fau et sous la direction de Leo Hussain au Théâtre du Capitole, Toulouse.
Conte cruel de la jeunesse
En ces temps de prudence programmatique, Christophe Ghristi et Michel Fau se démarquent en poursuivant au Théâtre du Capitole de Toulouse leur exploration du répertoire germanique du début du XXe siècle : après Ariane à Naxos et Elektra, place au chef-d’œuvre lyrique atonal, Wozzeck, transposé dans l’univers du cinéma muet.
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On sait gré au Théâtre du Capitole de ne pas avoir enfermé Michel Fau dans le répertoire léger : sa récente Elektra a su démontrer toute la force d’impact d’un huis-clos aux couleurs hallucinées. En s’attaquant à un monument tel que Wozzeck, réputé difficile pour remplir les salles, le natif d’Agen met au premier plan la figure de l’enfant, qui tente de fuir les événements en créant un univers fantasmagorique, rapidement rattrapé par une série de visions cauchemardesques hautes en couleur.
Le récit initiatique de ce double de Wozzeck, qui endosse le rôle social prédéterminé de son père en victime impuissante et consentante des notabilités, prend une force saisissante tout du long, renforcée par ce personnage muet, qui n’ouvre la bouche que pour ses fameux « hop, hop ! » au tomber de rideau. Pour interpréter ce rôle en pantomime, Michel Fau a la bonne idée de recourir à un comédien d’une présence virevoltante en la personne de Dimitri Doré (né en 1997), dont l’aspect juvénile fait croire à un gamin d’à peine douze ans.
Visuellement, les costumes et les maquillages rendent hommage au cinéma muet, de même que la direction d’acteur dévolue au rôle-titre, volontairement figée. La trajectoire de Wozzeck n’en paraît que plus inéluctable, même si le personnage passe au second plan au profit de son enfant : c’est bien ce dernier qui émeut dans l’étouffant Interlude en ré mineur après la mort de Marie, en se prenant la tête de manière désespérée. Michel Fau colle ainsi au plus près des moindres péripéties du livret, avec force détails, tout en s’appuyant sur les inflexions musicales très théâtrales de Berg.
La scène resserrée au début, autour d’une chambre poisseuse creusée à même la roche, évoque d’emblée l’univers restreint du rôle-titre, au niveau matériel comme intellectuel, avant que les couleurs expressionnistes ne colorent ce drame philosophique et social d’une atmosphère irréelle et fantastique.
Comme à son habitude, Toulouse donne un soin particulier au choix de ses chanteurs, même si l’on pourra regretter les aigus arrachés de Sophie Koch, particulièrement audibles dans les changements de registre. En dehors de ces difficultés, la soprano française fait valoir une présence scénique saisissante d’engagement en Marie, bien épaulée par le superlatif Wozzeck de Stéphane Degout, toujours aussi impressionnant de précision dans la diction.
À leurs côtés, tous les seconds rôles brillent, parfaitement mis en valeur par l’excellente acoustique du théâtre. Mais c’est peut-être plus encore la direction post-mahlérienne de Leo Hussain qui émeut à force de tendresse narrative, liant chaque épisode en un vaste flux musical étourdissant : le chef britannique n’est pas pour rien dans la réussite de la soirée, à même de mettre en valeur les splendides couleurs de l’Orchestre national du Capitole, visiblement en forme.
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