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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Concert de l’Orchestre de Paris sous la direction Klaus Mäkelä à la Philharmonie de Paris.
SĂ©cession alpestre
Deux œuvres descriptives encadraient une pièce plus évasive d’Henri Dutilleux pour un programme superbe de Klaus Mäkelä à la tête de son Orchestre de Paris. Pour autant, le chef n’a été ni un pilote marin dans Mendelssohn ni un guide de haute montagne dans Strauss, cherchant une très forte cohérence à son programme avec une direction presque abstraite.
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Dans un tempo lent, les altos et les violoncelles de l’Orchestre de Paris se répandent en une nappe sonore qui évoque une mer d’huile renforcée par le legato des bassons puis des autres bois. Klaus Mäkelä surprend l’oreille qui attendait des Hébrides de Mendelssohn plus immédiates. Le flot de la marée est puissamment hypnotique. En contraste très fort, l’épisode central sonne plus saillant que jamais jusqu’à ce que le jusant ramène la même force magnétique. L’auditeur s’est retrouvé loin du tableau romantique traditionnel avec cette conception plus symboliste, presque abstraite, introduction parfaite au « monde lointain » et fluide du concerto pour violoncelle de Dutilleux qui suit au programme.
Cette musique fuyant l’illustration prolonge la sensation d’étrangeté suscitée par l’ouverture. Toutefois, les cinq parties peu contrastées sombrent quelque peu dans une relative uniformité. La faute sans doute au soliste, le violoncelliste Jean-Guihen Queyras, dont le jeu agile mais très peu projeté peine à émerger du magma sonore pourtant maintenu dans des nuances piano par le chef. Sa belle sonorité passe aussi à côté des tourments de la partition qui nécessite une palette expressive autrement développée.
La seconde partie de programme s’éloigne des mondes liquides pour gagner les Alpes bavaroises immortalisées par Richard Strauss. Sa Symphonie alpestre représente l’un des meilleurs exemples de musique descriptive. Cette dimension semble refusée par Mäkelä qui jette aux orties les canons des classiques qui règlent généralement les lectures de cette œuvre. Pas d’étalement des plans sonores mais une effervescence des couleurs dans une surenchère dynamique souvent assourdissante.
Les épisodes les plus naturalistes comme À la cascade, Aux alpages ou Orage et tempête perdent tous leurs repères. C’est comme si le chef avait choisi une grille de lecture contemporaine de la composition de l’œuvre, celle du mouvement artistique Jugenstil et plus précisément celui de son avatar autrichien, la Sécession, où d’une manière assez graphique tout est présenté sur le même plan visuel sans tenir compte des lois de la perspective.
Une autre conséquence de ce traitement est la disparition d’une certaine temporalité. Le temps perd son caractère linéaire. L’ascension promise se distingue peu dans cette débauche d’or, de feu et de bleu profond servie par un orchestre virtuose et déchaîné, faisant triompher les cuivres sans pour autant perdre une balance exemplaire de maitrise. Car le moins qu’on puisse dire est que les musiciens de l’Orchestre de Paris suivent admirablement le dessein de leur chef.
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Philharmonie, Paris Le 18/11/2021 Thomas DESCHAMPS |
| Concert de l’Orchestre de Paris sous la direction Klaus Mäkelä à la Philharmonie de Paris. | Felix Mendelssohn (1809-1847)
Les HĂ©brides (1832)
Henri Dutilleux (1916-2013)
Tout un monde lointain… (1970)
Jean-Guihen Queyras (violoncelle)
Richard Strauss (1864-1949)
Symphonie alpestre (1915)
Orchestre de Paris
direction : Klaus Mäkelä | |
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