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CRITIQUES DE CONCERTS |
21 décembre 2024 |
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Première au Grand Théâtre de Genève des Pêcheurs de perles de Bizet dans la mise en scène de Lotte de Beer, sous la direction de David Reiland.
L'île de la tentation
Cette production des Pêcheurs de perles accoste à Genève en provenance du Theater an der Wien où elle avait lancé la carrière de Lotte de Beer. Le message social et politique est asséné avec l'épaisseur de la téléréalité. Le résultat est scéniquement assez brouillon mais ménage le plateau vocal, bien soutenu par la belle direction de David Reiland.
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Cette reprise genevoise de la mise en scène des Pêcheurs de perles de Bizet montée par Lotte de Beer en 2017 au Theater an der Wien contient déjà tous les éléments scénographiques d'une metteuse en scène soucieuse de la portée idéologique et sociale de ses productions. L'angle qu'elle choisit ici est l'univers des émissions de téléréalité, genre improbable qui dissimule derrière une apparence ultra kitsch une vision volontiers colonialiste et patriarcale des rapports Occident-Orient.
Le principe est assez simple : montrer en avant-scène les amours contrariées de Nadir et Leïla, avec à l'arrière, un ensemble d'appartements en coupe de façon à visualiser au même moment les réactions des habitants dont on devine facilement qu'ils sont tous en train de regarder l’émission. Lotte de Beer connaît la recette de ce genre de production télé : surjouer les effets pour tendre au maximum les nerfs des téléspectateurs, ajouter une bonne dose de voyeurisme et de démagogie, bien agiter avec un soupçon d'obscénité pour finir.
La structure des Pêcheurs de perles se prête aisément à ce traitement de choc, au point de montrer comment l'équipe de tournage (omniprésente d'un bout à l'autre de la soirée) filme sous tous les angles les protagonistes. Il y a toujours une caméra pour capter le moment où un personnage est en train de craquer et lorsque les masques tombent en révélant une émotion sincère qui devient la proie de tous les regards.
Ainsi de Je crois entendre encore et de L'orage s'est calmé que Nadir et Zurga viennent chanter successivement dans le confessionnal, le visage filmé en très gros plan et projeté en temps réel sur l'écran en fond de scène. Le kitsch culmine au dernier acte, avec trois énormes coquillages de carton-pâte abritant trois danseuses et… trois perles en plastique. Mais, l'humour n'est plus de mise et l'annonce de la mise à mort de Nadir aiguise si bien la cruauté du public qu'au moment où il parvient à s'échapper grâce à Zurga, celui-ci doit affronter la colère du peuple et finit immolé à la place de son ami sur le bûcher.
Le plateau fait la part belle au Zurga d’Audun Iversen et au Nourabad de Michael Mofidian. Le premier fait entendre un timbre remarquablement posé, très clair dans son phrasé et sa caractérisation. Le second n'a pas à forcer son talent pour projeter un bel instrument à l'élégance et à la tenue parfaites. Le Nadir de Frédéric Antoun est malheureusement en dessous du simplement nécessaire dans toute la première partie et, comble de malchance, dans la célébrissime romance de Nadir. Kristina Mkhitaryan lui dame aisément le pion, Leïla à la ligne incarnée et sonore, qui tire son personnage au-delà des clichés.
Les choristes souffrent par moments des défauts liés à leur disposition sur un seul plan, privés de tout contact les uns avec les autres, les pupitres désunis et en perte de cohésion. David Reiland rattrape ces rares défauts en tirant de l’Orchestre de la Suisse Romande de belles qualités d'équilibres et de timbres, avec des interventions remarquablement bien dosées de la petite harmonie, et des cordes nuancées et sans affection.
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